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deux cas, on préférera de greffer des espèces dont les jets montent droit, afin de ne pas gêner la culture ; les meilleures sont la feuille rose & la mûre blanche.

» La première culture doit se faire en hiver ; je préfère la bêche à tout autre instrument. Je paye six deniers par arbre, la moitié moins pour le binage qui se fait après avoir cueilli la feuille & nettoyé les arbres.

» Il m’en coûte environ six deniers pour cueillir chaque mûrier, qui produit ordinairement dans un champ médiocre, dix à douze livres de feuilles, en sorte que toute culture payée, il me reste environ cinq sous net par arbre ; ce qui fait soixante-six livres quinze sous par sétérée, produit ordinaire des prairies qui s’arrosent.

» La première année après la plantation, on recueille la feuille sans donner aucune figure à l’arbre ; on laisse à la seconde, quatre ou cinq jets de la longueur d’un pied, sans recueillir la feuille au-dessous du coup de serpette, cueillant tout le reste. C’est sur ces quatre ou cinq jets que l’année suivante on laisse à chacun deux ou trois jets, & ainsi de suite, pour donner une figure régulière à l’arbre.

» Quand on s’aperçoit que les racines se rencontrent & que l’arbre maigrit, on réforme les mauvaises branches, comme superflues, pour réduire l’arbre à une certaine aisance, qu’on entretient ou par des engrais ou par une bonne culture. Enfin, on le couronne ou on le rabaisse seulement, suivant que sa force l’exige, pour que la feuille ne soit ni trop vigoureuse ni trop maigre. L’on y trouve, l’année suivante, à peu près autant de feuilles qu’avant que l’arbre fût couronné ; il est, pour ainsi dire, rajeuni, & la feuille en est beaucoup plus belle & plus aisée à recueillir.

» Quand on ne veut pas cultiver inutilement le mûrier qui ne produit que peu les premières années, l’on peut semer sur le champ & avec choix, afin de ne pas nuire à l’arbre. Par exemple, la première année, des pommes de terre après avoir fumé le champ ; ce qui est avantageux à l’arbre qui tire sa portion de l’engrais. L’on arrache en octobre ces pommes de terre, dont la récolte paye au-delà des frais de culture. L’année suivante, on peut y semer de la vesce, (voyez ce mot) pour la couper en fourrage, sans attendre qu’elle graine, ce qui seroit préjudiciable aux mûriers ; immédiatement après avoir coupé ce fourrage, il faut donner une culture à la terre. L’on peut encore absolument semer après la vesce, du blé sarrasin, ou blé noir, (voyez ce mot) dont la paille servira à faire du fumier, tandis que le grain sera employé à nourrir les bestiaux dont le fumier donnera un nouvel engrais propre à des pommes de terre, que l’on pourra semer dans les années suivantes.

» Il faudra cependant, après quelques années, renoncer à semer, à cause de l’ombrage des mûriers : j’en excepte cependant les années où l’on couronnera les arbres. Au reste, chaque espèce de terrain décide s’il est bon de se conduire ainsi ou autrement ; mais il ne faut absolument jamais semer aucune espèce de grain pour le laisser mûrir.

» Il est peu d’animaux qui ne soient friands de la feuille de mûrier ; aussi doit-on faire cueillir celle

F.