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des abris, les espaliers de pêchers sont plus nuisibles qu’avantageux, à moins qu’on n’ait la facilité d’en arroser la terre. Sans cette précaution, ou si des pluies favorables (cas très-rare en ces pays) ne viennent au secours du fruit, il se desséchera sur l’arbre, ou bien la pêche, si fondante ailleurs, sera ici sèche, coriace & sans suc. Dans ce cas, les pavies, les persais, les brugnons doivent seuls couvrir les mûrs ; & par la raison contraire, ces espèces de pêches sont presqu’interdites aux provinces du nord.

Dans les provinces du centre & du midi du royaume, il vaut beaucoup mieux planter en plein vent qu’en espalier, quoique l’arbre du premier vive beaucoup moins que celui du second. Ceci demande une explication. Le pêcher d’espalier, mal conduit, ne dure pas plus que le pêcher livré à lui-même ; il en est tout autrement lorsqu’une main sage se charge de sa direction.

Pourquoi le pêcher à plein vent vit-il moins que le pêcher en espalier bien conduit ? c’est un beau problème à résoudre & dont personne n’a donné la solution. Il est digne d’être proposé par une académie pour sujet de prix. Quoique je ne prétende pas à l’honneur de la solution, je vais hasarder quelques idées, & les présenter comme de simples apperçus, ou si l’on veut, comme des idées hasardées.

Le dépérissement du pêcher à plein vent, tient à l’oblitération de ses canaux séveux, & au prompt changement de son aubier (consultez ce mot) en bois ligneux. De la naît la difficulté qu’il a de percer des bourgeons sur le vieux bois : cependant ce n’est que par les bourgeons que l’arbre perpétue sa vigueur. Sa décadence & sa décrépitude assez prochaine, tiennent donc à sa constitution ; & j’ajoute à quelques circonstances accessoires qui seront détaillées.

Suivons les progressions de cet arbre. Lorsqu’il est nouvellement planté, & pendant quelques années consécutives, il se hâte de pousser des bourgeons longs & vigoureux, qui ensuite, à la seconde ou à la troisième année, sont changés en bois parfait, presque sans aubier & à écorce dure. À mesure qu’ils acquièrent de l’âge, les bourgeons secondaires de ces bourgeons premiers qui ont formé les branches principales, se dessèchent, périssent, & ainsi successivement en remontant vers le sommet de l’arbre. Là, les bourgeons sont courts & chargés de feuilles ; ils se raccourcissent de plus en plus à mesure que l’arbre vieillit ; enfin, une mère-branche meurt, puis une seconde, & l’arbre périt. À mesure que les bourgeons deviennent plus courts, les feuilles changent de couleur ; elles n’ont plus le vernis luisant dont sont parées celles des jeunes arbres ; leur verdure pâle & blanchâtre, annonce la caducité & la mort prochaine de l’arbre.

Il est donc visible que la trop prompte métamorphose en véritable bois de tout l’aubier qui constitue le bourgeon, est la première cause de son peu de durée, de l’endurcissement de l’écorce, & de la difficulté de laisser percer des bourgeons sur le bois de la seconde année, & de l’impossibilité qu’il y a à ce que ces mêmes bourgeons percent sur le bois plus vieux. Que l’on me permette une comparaison afin d’expliquer l’oblitération des canaux séveux. À mesure que l’homme vieillit, les apophyses ou attaches, des muscles &. des tendons, de molles