Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/600

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tient, tant par trop de presse, s’oppresser les uns & les autres, que par n’estre assez profondément dans terre, & ne pouvoir convenablement s’enraciner. Jointe ceste troisième raison que chasque replantement vaut un demi-enter, aidant beaucoup à l’affranchissement des plantes sauvages. Les arbres à noyau pourront estre exempts de replantement si l’on veut, les laissant à la pépinière jusqu’au transplanter au verger ; mais qui désirera d’exceller ses voisins en la bonté de ces fruits ci, les surpassera aussi en ceste dépense petite, pour l’importance de la chose. De iceux à fruit, n’est besoin se donner telle peine, d’autant qu’ils viennent bons directement de la pépinière, comme a esté dit. Ceste particularité se remarque aux pins, que très-difficilement souffrent-ils le replantement, pour la tendreté de leurs racines, qui se meurent si on les offense tant soit peu. Pourtant le meilleur est de faire son compte, de les laisser pour toujours au lieu auquel premièrement on les aura semés, afin qu’avec l’espargne du transplanter, l’on évite le hasard de les perdre par trop rude maniement : & ce sera en semant cinq ou six pignons ensemble, à ce que de tel nombre un arbre en puisse sortir, ainsi qu’a été vu des noyaux. Si toutes fois la nécessité contraint de transplanter le pin, ci-après sera monstre la manière de s’y conduire, »


De la bastardière.

» Pour le profit des arbres ayant esgard à l’avenir, est requis le fond de la bastardière estre de moyenne bonté ; à ce que les arbres nourris plus profitablement que délicatement après estre fortifiés, tirés de là, se puissent facilement reprendre en tous terroirs ; comme très-bien ils feront si de moyenne ils sont transplantés en grasse terre ; ce qu’on ne pourroit espérer si estant eslevés en lieux féconds on les logeoit en maigre, selon que souventes fois on est contraint de faire.[1] Pour un préalable, la bastardière sera bien close, (si mieux l’on n’aime la faire, joignant la pépinière, les deux estant dans l’enceint du jardinage) à ce qu’aucun bétail ni autre rude approche n’importunent les jeunes arbres, & après très-bien cultivée par réitérés labourages. »

» En mois de février, & en jour choisi, beau & serein, non venteux ne pluvieux, toutes fois tendant plus à l’humidité qu’à la sécheresse, les arbrisseaux seront arrachés de la pépinière, le plus doucement que

  1. Cette sage pratique enseignée par l’auteur, est bien éloignée de celle suivie par nos pépiniéristes marchands d’arbres ; ils fument la terre avec les engrais les plus actifs, telles que les gadoues, les boues des rues, les excrémens humains, &c. aussi la couleur de la terre de pareilles pépinières, est presque noire. Les arbres y sont vigoureux, leurs pousses extraordinaires ; les pépiniéristes ne manquent pas de vous en prévenir ; mais ils se gardent bien de vous faire observer qu’il n’y a aucune proportion entre la force du tronc & le volume de la totalité des branches. C’est un embonpoint forcé, d’où il résulte que l’arbre transplanté ailleurs, souffre, languit pendant plusieurs années, & souvent périt de misère, parce qu’il n’a pu s’accommoder du nouveau sol qui devoit le nourrir. Toute espèce de fumier doit être interdit dans les pépinières, il suffit que le sol en soit bon, défoncé profondément, & souvent travaillé.