Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/602

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après avoir rempli le fossé. Sur cela on n’avisera de ne roigner aucunement les branches de figuier, de peur d’attirer dans leur grosse moelle les froidures que ceste espèce d’arbre craint tant ; mais à ce que les branches ne sortent dehors plus que de la mesure susdite, on les enfoncera dans la fosse, les y recourbant tant qu’il suffira. Un mesme temps n’est sans distinction propre pour les quatre espèces d’arbres susdites, à cause de la diversité de leur naturel auquel convient de s’assubjettir. Le figuier, le grenadier, pour estre du pays plus chaud que froid, seront mis enraciner au mois de février ou de mars, pour crainte des froidures. Le coigner & le coudrier, par raison contraire, devant ou dans l’hiver ; ainsi, en nous accommodant à leurs propriétés, leurs causerons heureux accroissement. Autre que contraint, ne pouvant avenir, les maniant au rebours de ce qu’ils requièrent. Quant à la distance de leur assiette, autre ne leur sera donnée que la précédente, comme la plus raissonnable, pour tost les faire reprendre & avancer. »

» Voilà notre bastardière remplie ; maintenant n’est question que de la cultiver soigneusement, afin qu’aidant à la jeunesse des arbres, on les sollicite à s’accroistre ; trois fois l’année pour le moins convient la travailler, pour tenir le fond en guéret, & deschargé de toutes harbes, à l’utilité des bonnes plantes. Au labourer convient aller retenu, sur-tout la première année, c’est-à-dire, ne profonder beaucoup en terre, en la travaillant, de peur d’offenser les racines des arbrisseaux. À la seconde année y aller un peu plus avant, ainsi continuant par discrétion, jusqu’à ce que, fortifiées & ayant prins terre, aucun labourage ne leur soit espargné. L’arrouser est aussi requis à l’avancement de ces arbres, sur-tout en leur commencement,[1] ne pouvant lors que mal-aisément souffrir la sécheresse, plus la craignant que plus chaud en est le pays. Si avez l’eau à commendement, faites la doucement couler près des arbres en temps opportun ; mais gardez d’abuser de telle commodité, soit en la faisant croupir sur le lieu, soit en les arrousant trop souvent, car par l’une & l’autre voie, tost ou tard les arbres périssent. Le moyen de se servir utilement de l’eau, est de l’employer seulement en la nécessité, qui est que lorsque par les grandes chaleurs l’on void la terre altérée ; laquelle en tel poinct abreuvée, causera tel raffraîchissement aux arbres, qu’avec la chaleur de l’esté à souhait accroistront-ils ? Tel arrousement toutes fois ne sera employé indifféremment toutes les années, afin de n’accoustumer les arbres par trop à boire, & par-là, rendre incertaine leur reprinse en lieu sec, auquel souvent l’on est contraint de les replanter & de les loger pour la dernière fois ; ainsi leur donnera-t-on l’eau plus souvent és premiers qu’és derniers ans de

  1. Il faut observer que l’auteur écrivoit en Languedoc, où il pleut rarement ; ce conseil n’est utile que dans les cantons où les pluies sont rares. Il faut cependant excepter les cas de grande sécheresse. Les trop fréquens arrosemens, ainsi que les pluies continues & trop abondantes, rendent la sève trop délavée, & les feuilles de l’arbre annoncent, par leur pâleur, leur état de souffrance.