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couper très-ras, &, si on le peut,

recouvrir la plaie avec l’onguent de Saint-Fiacre. (consultez ce mot) Sans le secours de l’émondage cet arbre ne s’élèveroit pas à une si grande hauteur, mais il formeroit une tête ronde & branchue depuis l’endroit où l’on auroit laissé pousser les premières branches contre la tige. Je doute même qu’il s’élevât bien haut.

On ne doit, jamais attendre pour abattre cet arbre, qu’il soit en décours, ou autrement dit, qu’il se couronne ; alors sa force est passée ; son bois a perdu de sa qualité, & il n’est propre que pour le feu. Après trente ou quarante ans, cet arbre est dans la plus grande force ; il demande à être coupé par le pied, afin de le débiter suivant le besoin que l’on en aura. La souche ne meurt point, elle donne l’année suivante une quantité prodigieuse de jets dont on est obligé de diminuer successivement le nombre, afin de ne laisser pousser par la suite qu’une seule ou tout au plus deux tiges. L’arbre coupé, il sort tout autour de sa circonférence, & à plus de trente pieds de distance, une infinité de jeunes plants qu’on laisse croître. Cet arbre figure très-bien dans les grands bosquets ; la blancheur de la surface inférieure de ses feuilles, agitées par le moindre vent, contraste joliment avec le vert des feuilles des autres arbres. À Ypres, & dans plusieurs endroits de la Flandre Autrichienne, lorsqu’une fille vient au monde, son père, pour peu qu’il soit aisé, lui assure sa dot le jour de sa naissance, en plantant un millier de peupliers ypréaux blançs, très-petits ; en sorte que sa fille, à l’âge de 10 ans, se trouve propriétaire de 10 à 30000 liv. qui servent à la marier. Une coutume si simple & si avantageuse, mériteroit d’être suivie dans la majeure partie de nos provinces, & sur-tout dans celles où le bois de menuiserie est rare, & où les troupeaux sont abondans. Si je me suis permis d’aussi longs détails sur le peuplier blanc, c’est qu’il n’est pas assez cultivé, & parce qu’il l’est très-mal : enfin on n’en tire pas tout le parti que l’on pourroit.

Le tremble se multiplie par les rejetons enracinés qu’il pousse du pied, & non par plançons ni par boutures ; son bois est de peu de valeur. Dans quelques provinces on en fait, des cerceaux pour les cuves & pour les tonneaux ; les ébénistes & les tourneurs en font quelques usages.

Le peuplier noir, ou peuplier commun, est encore un arbre précieux dans les provinces où les planches de bois de chêne ou de sapin sont rares & chères. Il en fournit d’excellentes & légères, ainsi que le peuplier blanc dont on se sert avec succès pour les brouettes (consultez ce mot) les tombereaux, les volets, les châssis, &c. & son feuillage desséché, comme celui du premier, l’égale en bonté, & sert à la nourriture d’hiver des troupeaux. On multiplie ce peuplier par plançons de sept à huit pieds de hauteur, que l’on enfonce à la profondeur de deux ou trois pieds, dans un trou fait avec une barre de fer ou plantoir, & on resserre la terre contre. Si on le destine à devenir un grand arbre, & à fournir des fagots pour les troupeaux, on le plante en laissant quelques petites