Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/712

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PIGEON. Columba. Le caractère du genre est d’avoir quatre doigts dénués de membranes, trois devant & un derrière, tous séparés environ jusqu’à leur origine. Le bec droit, le bout de la mandibule supérieure un peu renflé & courbé. Les narines à demi couvertes d’une membrane épaisse & molle. Tous les pigeons n’ont pas le bec d’une égale longueur ; les uns l’ont très-court & assez épais ; les autres l’ont plus long, plus menu, plus alongé. Ces oiseaux vivent de grains qu’ils avalent sans mâcher.

On divise communément les pigeons en domestiques & en sauvages. Les premiers sont appelés pigeons proprement dits, & les seconds bisets. On peut, par des soins continués, domestiquer les sauvages, & rendre sauvages les domestiques. Le pigeon ramier est peut-être l’espèce première. Toutes les espèces s’accouplent ensemble & produisent, preuve assez claire qu’elles sont toutes de la même famille, & que l’éducation, le climat, la nourriture, ont produit la variété des individus. La domesticité, la mollesse dans laquelle vivent les pigeons domestiques, leur a fait perdre l’habitude de se percher sur les arbres ; le besoin de conserver leurs jours, d’éviter les renards & autres quadrupèdes carnaciers, leur démontre bientôt la nécessité de se percher lorsqu’ils préfèrent la liberté aux aisances de la vie ; ainsi ce caractère ne distingue aucune espèce.

« Les pigeons, dit M. de Buffon, quoiqu’élevés dans l’état de domesticité, & en apparence accoutumés comme les autres à un domicile fixe, à des habitudes communes, quittent ce domicile, rompent toute société, & vont s’établir dans les bois. D’autres apparemment moins courageux, moins hardis, quoique également amoureux de leur liberté, fuient nos colombiers pour aller habiter solitairement quelques trous de muraille, ou bien en petit nombre se réfugient dans une tour peu fréquentée, & malgré les dangers, la disette & la solitude de ces lieux, où ils manquent de tout, où ils sont exposés à la belette, aux rats, à la fouine, à la chouette, & où ils sont forcés de subvenir en tout temps à leurs besoins par leur seule industrie, ils restent néanmoins continuellement dans ces habitations incommodes, & les préfèrent pour toujours à leur premier domicile ; ils ne se perchent pas comme les premiers, & sont néanmoins beaucoup plus près de l’état libre que de la condition domestique. La troisième nuance est celle de nos pigeons de colombiers, dont tout le monde connoît les mœurs, & qui, lorsque leur demeure leur convient, ne l’abandonnent pas, ou ne la quittent que pour en prendre une qui convient encore mieux, & ils n’en sortent que pour aller s’égayer ou se pourvoir dans les champs voisins. Or, comme c’est parmi ces pigeons même que se trouvent les fuyards & les déserteurs dont on vient de parler, cela prouve que tous n’ont pas encore perdu leur instinct d’origine, & que l’habitude de la libre domesticité dans laquelle ils vivent, n’a pas entièrement effacé les traits de la première nature à laquelle ils pourroient encore remonter ; mais il n’en est pas de même de la dernière & quatrième