Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/713

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nuance dans l’ordre de dégénération, ce sont les gros & les petits pigeons de volière dont les races, les variétés & les mélanges sont presque innombrables, parce que, depuis un temps immémorial, ils sont absolument domestiques, & l’homme, en perfectionnant les formes extérieures, a en même temps altéré leurs qualités intérieures & détruit jusqu’au germe de sentiment de liberté. Ces oiseaux, la plupart plus grands, plus beaux que les pigeons communs, ont encore l’avantage pour nous d’être plus féconds, plus gras, de meilleur goût ; & c’est par toutes ces raisons qu’on les a soignés de plus près, & qu’on a cherché à les multiplier malgré toutes les peines qu’il faut se donner pour leur éducation, & pour le succès de leur nombreux produit, & de leur pleine fécondité : dans ceux-ci aucun ne remonte à l’état de nature, aucun même ne s’élève à celui de liberté, ils ne quittent jamais les alentours de leur volière, il faut les y nourrir en tout temps ; la faim la plus prenante ne les détermine pas à aller chercher ailleurs, ils se laissent mourir d’inanition plutôt que de quêter leur subsistance ; accoutumés à la recevoir de la main de l’homme, ou à la trouver toute préparée, toujours dans le même lieu, ils ne savent vivre que pour manger, & n’ont aucune des ressources, aucuns des petits talens que le besoin inspire à tous les animaux. On peut donc regarder cette dernière classe, dans l’ordre des pigeons, comme absolument domestique, captive sans retour, & entièrement dépendante de l’homme ; & comme il a créé tout ce qui dépend de lui, on ne peut douter qu’il ne soit l’auteur de toutes ces races esclaves, d’autant plus perfectionnées pour nous, qu’elles sont plus dégénérées, plus viciées pour la nature. »

La lecture des sublimes écrits du Pline françois, m’engagea à suivre de près la dégénérescence de la quatrième espèce, & d’examiner si elle étoit entièrement perdue pour la nature. Je pris six paires de pigeons jeunes, & qui ne mangeoient pas seuls ; lorsqu’ils furent en état de se passer de tout secours, je les mis dans le colombier avec les pigeons bisets. Il y avoit trois paires de pigeons domestiques, un de romain, un de nonain & un turc, & ils furent abandonnés à eux-mêmes ; il en mourut un de chacune des deux dernières espèces, tous les autres imitèrent l’exemple des bisets, & furent chercher leur nourriture dans les campagnes. Pendant l’été suivant, je mis dans le même colombier quatre paires de pigeons dont les plumes des pattes sont disposées en manière d’ailes assez longues ; ils étoient âgés de deux ans, & ils avoient toujours été nourris dans la volière sans en sortir ; cinq furent la victime de leur ancien esclavage, & un des trois autres resta plus d’un mois à rouler sur les toits avant de rentrer dans le colombier après en être sorti. Les pigeons, nés au printemps, eurent des petits en automne, & plusieurs se marièrent avec les bisets ; de leur union est provenu une race mixte. Le patu couvert par un biset, a donné une espèce qui n’est pas plus grosse que le mâle, mais celle du biset couvert par un patu, a été aussi grosse que celle du patu, & les pattes ont été chargées de plumes, ce qui n’a pas eu lieu