Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/738

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trouvera à une hauteur considérable au-dessus du niveau de la mer. Si le physicien apprécie l’élévation des montagnes par l’abaissement du mercure dans le tube du baromètre, de même le naturaliste observe que les plantes, que les arbres suivent une progression constante & relative à cette hauteur ; de manière que l’homme instruit, lorsqu’il rencontre un très-haut sapin, peut dire, je suis environ à neuf cents toises au-dessus du niveau de la mer, & ainsi de suite pour les autres arbres.

On a encore sur cet objet des observations détachées dont Von-Linné, je crois, a été le premier qui en ait donné l’idée. Il seroit à désirer qu’un naturaliste entreprît le catalogue des plantes, classées d’après l’élévation que demande leur végétation.

3. Des pins relativement à leur usage dans la Marine. Les anciens botanistes ne distinguoient en Europe que trois espèces de pin ; le pin pinier, le pin maritime ou pignada de Bordeaux, & le pin silvestre qui est celui de toute l’Alsace, la Suisse, & d’une partie de l’Allemagne ; le pin silvestre est ordinairement moins élevé que le pin maritime, & celui-ci est très inférieur à nos deux espèces de sapins.

Les seuls arbres de France, qu’on emploie pour les mâtures, sont des sapins ; cependant les Anglois se servent avec succès de leur pin d’Écosse, (notre pin silvestre.)

Les mâtures de France & même celles que font les Anglois de leur pin d’Écosse, & celles qu’on tire d’autres arbres d’Amérique, n’approchent pas de la bonté des mâtures qu’on nomme du nord, quoique ce ne soit pas dans le nord que les arbres qui les fournissent croisent. On les tire du nord par la Baltique, & Riga est le port où on les achète. Il y a dans cette ville quelques familles qui ont le privilége exclusif de ce commerce, & ces marchands tirent ces bois des hautes montagnes d’Ukraine ou d’autres provinces de Russie, frontières, suivant toute apparence, de la Pologne ou de la Turquie. Le cours des eaux est vers la Baltique ; Voilà pourquoi c’est à Riga qu’on les vend. Il y a vraisemblablement de très-hautes montagnes dans les pays de ces arbres, puisqu’il en sort de très-grands fleuves, dont les uns se rendent dans la Baltique & les autres dans la mer Noire.

Un ancien mâteur de Brest, ayant été à Riga, il y a environ vingt-cinq ans, pour acheter des mâts, en a rapporté de la graine des arbres dont on les tire ; on l’a semée & au lieu de sapin qu’on croyoit que nous fournissoit le nord, on a vu un pin. Ce mâteur, qui vivoit encore il y a environ six ans, étoit très-vieux, & on voit dans son jardin situé dans les faubourgs de Brest, le pin provenu de son semis. De cette même graine, il est venu un pied dans le jardin de M. de Jansen, près de Paris, à la grille de Maillot, & un chez M. Duhamel, à sa terre de Vrigni. La majeure partie des graines rapportées par ce mâteur, a été remise à M. de Kergarion, officier de marine, & elles ont si bien prospéré chez lui, qu’il a aujourd’hui deux mille pieds de ce pin de Riga. Comme dans ses possessions, il y a beaucoup de pins maritimes, il a eu l’attention d’en former un bois séparé ; ainsi, il sera facile de suivre les progrès de cette forêt, & de discerner les