Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/739

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caractères, s’il y en a qui le distinguent des pins que l’on connoît.

Ces pins du nord qui s’élèvent assez pour faire des mâtures, & qui sont d’une substance bien plus dure, & qui ont plus de poids que nos sapins, peuvent-ils être la même espèce que notre pin silvestre, qui est à tous égards si inférieur aux sapins en hauteur & pesanteur spécifique & en dureté, & qui dans le pays où il croît plus communément, est même inférieur au pin maritime ?

Si ce n’étoit que la différence du terrain qui produisît cette différence dans les arbres & dans leurs bois, n’en trouverions-nous pas quelques uns dans nos immenses forêts de pins silvestres, qui seroient égaux aux pins de Riga, ou du moins aux pins d’Écosse, ou au moins aux sapins ? c’est ce que tout le monde dit & ce que l’on ne voit jamais. En Suisse ; le pin silvestre est un bois méprisé, & il n’y est employé que pour des conduites d’eau, on n’en fait pas seulement des planches. Personne, je pense, n’a cherché dans les pins de France & des environs, des bois pour les mâtures. Toutes les recherches entreprises dans cette vue, ont été faites sur des sapins. Cependant, sur un sommet du Mont-Jura, nomme petra-felix, dans le canton de Berne, on voit un bois de pins oui égalent en beauté les plus beaux sapins, ainsi que par leur hauteur… : au pied du Mont-Cénis, du côté des eaux pendantes, vers le Rhône, on trouve deux forêts de pins de la même hauteur & de la même beauté. Les pins ont cette même force sur les sommets des montagnes de l’Alsace. Les pins ne sont petits que dans les endroits enfoncés.

D’après ce qui vient d’être dit, je crois qu’il seroit intéressant pour la mâture de faire examiner la dureté & la pesanteur spécifique des grands pins dont on vient de parler. On en trouvera sûrement encore beaucoup dans d’autres lieux, si on se donne la peine de les chercher, & peut-être rencontrera-t-on en France ou dans les environs des mâtures égales à celles qu’on fait venir à grands frais de Riga, & qui commencent à s’épuiser. Je crois que pour l’avenir, on devroit exhorter ceux qui veulent semer des pins silvestres, à prendre par préférence la graine de ceux qui croissent dans des forêts où l’espèce est grande & belle. Il vaudroit bien mieux encore que MM. les intendans & administrateurs des pays d’état, la fissent venir en droiture & en distribuassent gratuitement aux habitans des hautes montagnes qui sont dans leurs département

Il est reconnu que le pin silvestre a la propriété de croître dans de très-mauvais terrains, même dans les terres calcaires & crétacées, au lieu que le pin maritime vient, à la vérité, dans de mauvaises terres, mais seulement dans les sols sablonneux ; & tout sol sablonneux est celui qui convient aux arbres résineux. Les pins naissent au dessous de la région des sapins, & ceux qui végètent dans un mauvais terrain qui leur est contraire, sont toujours vilains. J’ai vainement tenté de multiplier dans mon habitation près de Beziers, le pin maritime, & je n’ai pas réussi, parce que le sol est tenace & calcaire. Il est donc essentiel de remarquer que la beauté d’un arbre de ce genre, tient beaucoup à la qualité du sol : ce qui est encore prouvé par l’observation