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de M. le comte de Sickingen ; qui a remarqué dans ses vastes forêts, situées en Allemagne, que les pins n’y égalent pas en hauteur les sapins ; qu’au milieu de sa forêt où il y a un fond de tourbe, une vraie fondrière, lorsqu’il y tombe des graines du pin silvestre, les arbres qui en proviennent, poussent de longues branches horizontales. Cette variation dans l’ordre de la végétation, & sur laquelle la localité influe, est bien singulière & prouve encore mieux ce qui a été dit ci-dessus.

Toutes ces observations tendent à faire penser que les plus beaux pins, ceux d’Écosse, ceux même d’Ukraine, qui viennent par Riga & dont on fait les belles mâtures, sont de la même espèce que les pins silvestres les plus vilains. Lorsque les arbres semés par M. de Kergarion seront devenus grands, on aura un beau point de comparaison & plus sûr que celui du pied unique planté dans le jardin du mâteur de Brest.

Avant de finir, il est bon de prévenir une conséquence qu’on pourroit tirer de ce qui a été dit relativement aux landes de la Gueldre & du Brabant.

On pourroit s’imaginer que leur terrain, étant absolument semblable à ceux de France où croît spontanément le pin maritime, on devroit, dans ces pays de pins maritimes, cultiver de préférence le pin silvestre ; mais il faut observer que dans les provinces où le pin maritime croît naturellement, comme dans les landes de Bordeaux, dans les forêts de l’Esterelle, de S. Tropez & autres de Provence, le soleil est très-différent de celui des Pays-bas. Cette différence de climat est peut-être ce qui fait qu’on donne dans les pays froids la préférence aux pins silvestres, & je doute que la résine qui est le grand produit des pignadas de Bordeaux, découlât aussi abondamment des pins silvestres, ou fût d’aussi bonne qualité que celle du pin naturel du pays.

Il seroit encore fort à souhaiter que MM. les intendans fissent venir la graine du pin nommé laricio en Corse, ainsi que du pin de Riga, & les fissent semer dans les pays montagneux. La pomme du pin laricio de Corse, est plus grosse que celle du pin silvestre. Peut-être dans l’envoi qui a été fait, a-t-on choisi les plus belles pommes ? peut-être aussi la différence de grosseur tient-elle à l’espèce ? c’est ce que les semis prouveront.


CHAPITRE IV.

De la culture des pins.

Lorsque les pommes de pin sont mûres, les écailles qui les composent s’ouvrent avec force, & leur élasticité chasse au loin la graine. On doit donc cueillir les pommes lorsqu’on s’aperçoit qu’elles approchent de leur point de maturité ; sans cette précaution, on les trouvera dépourvues de leurs amandes ou pignons. On peut encore ramasser celle qui est tombée ; mais c’est un travail long, car elle est très-éparse.

Ce qui a été dit plus haut, indique l’espèce de grain de terre qui convient à chaque espèce de pin ; il suffit, lorsque l’on fera des semis domestiques, d’enrichir le sol destiné aux semis, avec de la terre végétale ou débris de feuilles seulement, lorsqu’il