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des maisons, &c. On auroit de la peine à se persuader, si l’expérience ne venoit à l’appui de cette assertion, que des murs de terre puissent avoir une durée de plus de deux siècles, pourvu qu’ils ayent été munis d’un bon crépi de mortier, mis a couvert de la pluie, & garantis de toute humidité par des fondations de maçonnerie élevées au-dessus du rez-de-chaussée.

Les murailles en terre ou pisé, servent a former des clôtures, à construire des maisons à plusieurs étages, d’une solidité presque incroyable, sans autre épaisseur que celle des murs de maçonnerie ; leur usage est très-fréquent dans les campagnes, & surtout dans les lieux où la pierre est rare, & où la brique & le bois ne sont employés qu’à grands frais.

Une muraille en pisé, est un assemblage de masses de terre naturelle, mais de qualité particulière, rendues compactes & dures sur le même lieu par l’art du pileur ; & qui tantôt placées bout à bout, & tantôt les unes sur les autres, représentent des pierres de parpaing posées de champ.

Pour faciliter l’intelligence de cet article, on a mis à la fin l'explication des termes techniques.


Des qualités de la terre à piser.

Il n’est point de terre qui ne soit propre au pisé, si l’on en excepte l’argileuse & la sablonneuse : la première, parce qu’elle se fend en séchant ; la seconde, parce qu’elle n’admet aucune liaison. Dans le choix des terres, on préfère celle qui est forte ; c’est-à-dire, celle qui se coagule plus aisément, ce qui se connoît lorsqu’elle garde la forme que la main lui a imprimée sans se lier aux doigts ; telle est en général la

    un seau à puiser l’eau ; on le défonce, & il sert de moule pour piser la terre. Quelques jours après on sort le pisé de son moule, on couvre sa partie supérieure avec une pierre ou avec une planche, &c. & on le laisse pendant plusieurs mois exposé à l’air. Cette expérience fera connoître si la terre contient assez de liant, enfin si elle a fait corps.

    Outre le peu de dépense qu’exige la construction en pisé, il réunit le double avantage de préserver beaucoup mieux du froid & de la chaleur que les bâtiments en pierres, parce que la terre fait un tout unique, donc toutes les parties qui le composent, sont étroitement unies & rapprochées.

    En remontant du midi au nord du royaume, depuis le Comtat d’Avignon jusqu’â Tournu en Bourgogne, la manière de bâtir la plus commune est en pisai. Lorsque l’on est parvenu au-delà de cette ville, on ne trouve plus de construction en pisai, ou du moins je n’en ai point apperçu. La moitié des toits des maisons de Tournu, sont fortement inclinés à la manière de ceux de Paris & des autres villes du nord du royaume, & les toits des autres maisons n’ont qu’un pied & même un peu moins d’inclinaison par toise, &. ils ressemblent à ceux des maisons de toute la partie méridionale de France. Si actuellement on tire une ligne de l’orient à l’occident du royaume, passant par Tournu en Bourgogne, & par Châtelleraud en Poitou, on trouve la même démarcation des toits à pentes douces, du côté des provinces du midi, & à pentes rapides du côté de celles de nord ; ce qui semble fixer les limites des deux grands climats. J’ignore si sur toute l’étendue de cette ligne on rencontre cette singulière démarcation ; mais je l’ai observée en plusieurs endroits.