Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/256

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pigeon. M. le baron de Saint-Hilaire m’a écrit qu’une de ces racines isolées & cultivées avec soin, en avoit donné 986, dont la moitié à la vérité étoit fort petite ; M. Howard de Cardinsgton, gentilhomme anglois, en a obtenu du poids de neuf livres. Plusieurs sociétés d’agriculture, dans la vue d’encourager cette culture, ont accordé des prix aux uns pour avoir récolté huit milliers pesant de pommes de terre sur une étendue d’un acre qui rapportoit tout au plus 1000 livres d’orge, ou d’autres menus grains ; & aux autres, pour en avoir fait produire 50 setiers à un arpent d’une terre sablonneuse, médiocre, qui n’aurpit pas rendu le grain employé à l’ensemencer. Enfin une pomme de terre pesant une livre un quart, garnie de vingt-deux œilletons, & divisée en autant de morceaux, en a produit quatre cent soixante-quatre livres. Ces exemples de multiplication que je pourrois accumuler ici, ont fait avancer à un cultivateur distingué, qu’avec une seule pomme de terre il seroit possible de parvenir à en couvrir la huitième partie d’un arpent, en séparant d’abord tous les yeux, en les plantant chacun à la distance de quatre à cinq pieds, en coupant ensuite toutes les tiges & les plantant, &c. &c.

Je suis bien éloigné d’établir sur ces prodiges de fécondité, le rapport ordinaire des pommes de terre, parce qu’il n’y a guères de plantes dans toutes les familles composant le règne végétal, qui n’en offrent également des exemples plus ou moins frappans, & que souvent l’enthousiasme qu’ils excitent disparoît bientôt, dès qu’on fait la plus légère attention aux soins particuliers qu’on a pris, à l’étendue du terrain employé, & aux autres frais qu’il a dû en coûter pour les opérer ; cependant il faut convenir que, quoique les produits réels de pomme de terre soient exorbitans, rien n’est plus fautif que tous les calculs donnés pour les établir ; on ne sait jamais de quelle espèce de pomme de terre il s’agit, on ne connoît point la nature du sol dont on s’est servi, la distance observée entre chaque pied, la méthode de cultiver qu’on a suivie, & les façons qu’on a données, toutes circonstances qui font infiniment varier les résultats.

Au lieu donc de donner des tableaux de produits & de dépenses, arrangés assez ordinairement dans le silence du cabinet, nous nous bornerons à supposer qu’il s’agit d’un excellent fonds, & de la pomme de terre grosse blanche, alors nous dirons que sa fécondité ne sauroit être comparée à celle des autres racines potagères, que si la récolte n’en est point chaque année aussi abondante, rarement manque-t-elle tout-à-fait, que son produit, à terrain égal, est dix fois plus considérable que celui de tous les grains qu’on cultive en Europe, sans compter les autres végétaux que les rangées vides peuvent admettre, & tous les moyens que la plante a elle-même de se multiplier en la divisant à l’infini ; enfin nous dirons que la culture à bras est deux fois plus dispendieuse que celle des animaux, & que celle-ci doit toujours être préférée, quand on veut cultiver en grand cette plante, pour donner à propos & sans beaucoup de dépense les façons qu’elle