Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/262

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la mer, puisque dans ce cas la vapeur seule agit, & que, condensée & examinée par tous les moyens chymiques, elle est pure comme l’eau distillée. Ainsi les carottes, les navets, les betteraves, les oignons, les salsifix, les asperges, les choux traités de cette manière, sont plus savoureux que s’ils étoient cuits dans l’eau. On a même l’avantage de les faire cuire à la fois, sans qu’ils se communiquent de leur saveur, ce qui peut procurer sur le champ plusieurs espèces de mets aussi bons que leur qualité première peut le comporter : enfin, il y a tout lieu de présumer que quand on connoîtra bien l’utilité de cette marmite, elle deviendra un instrument de plus dans nos cuisines, en même temps qu’elle diminuera sur mer l’emploi des salaisons dans les voyages de long cours, & favorisera l’usage des végétaux frais, sans qu’il soit nécessaire d’augmenter la consommation de l’eau douce.


Section V.

Des Pommes de terre relativement à la nourriture des hommes.

De tous les avantages qui rendent les pommes de terre recommandables dans les campagnes, le plus grand est d’offrir à leurs habitans une nourriture toute préparée & convenable à leur état : ceux d’entr’eux qui ont adopté cette culture, attendent avec impatience le moment de la récolte de ce végétal dont la privation seroit un véritable fléau pour eux. Il y a maintenant en Europe un million d’hommes qui en font pendant l’hiver leur principale nourriture. L’aliment substantiel, contenu dans ces racines, n’est pas plus grossier que celui des semences céréales & légumineuses ; enfin, il n’y a pas de farineux non-fermentés dont on ne puisse manger en aussi grande quantité & aussi souvent que du pain.

Usages des Pommes de terre en nature. Elles se déguisent de mille manières différentes sous la main habile du cuisinier, & perdent dans les raccommodages le petit goût sauvage qu’on leur reproche : on en prépare des pâtes de légume, des boulettes excellentes ; on les mange en salade, à l’étuvée, au roux, à la sauce blanche avec la morue, en haricots, en friture & sous les gigots ; on en farcit des dindons & des oies ; mais une excellente manière de les accommoder, c’est, quand elles sont cuites & un peu rissolées à leur surface, d’y mettre du beurre frais, du sel, & des petites herbes hachées, mais il faut alors qu’elles soient fraîches, & qu’elles n’aient été ni gelées, ni germées, ni desséchées, quoique dans ces différens états on puisse s’en nourrir également sans aucun inconvénient.

Usage des Pommes de terre séchées. Lorsqu’elles ont été conservées suivant le procédé indiqué plus haut, c’est-à-dire, préalablement cuites à moitié, elles conservent toute leur saveurs & on peut, en les mettant dans un vase avec un peu d’eau, ou tout autre véhicule, sur un feu doux, en faire en un instant un aliment sain, comparable à celui de la pomme de terre elle-même, qu’il seroit facile dans la saison la plus morte de l’année, de substituer en cas de besoin aux racines fraîches, jusques à la récolte prochaine, & de se procurer dans tous les temps.