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Usage des Pommes de terre gelées. Lorsqu’elles ont été frappées par le froid, & qu’on diffère de les employer, elles sont gâtées pour toujours. Il faut les plonger dans de l’eau tiède, & ne les faire cuire qu’après cette attention préalable ; alors elles peuvent encore servir de nourriture ; mais si on en avoit beaucoup dans cet état, il seroit prudent, au sortir de la chaudière, de les peler, de les couper par tranches, & de les faire sécher. Comme le froid semble altérer plutôt leur matière extractive que leur amidon, cette dernière substance pourroit encore en être séparée, mais, nous le répétons, sans perdre de temps ; car si on laisse les pommes de terre se dégeler spontanément, elles ne reprennent jamais leur état naturel, perdent beaucoup de leur saveur, &c sont bientôt pourries. M. Hell, bailli de Landser, citoyen recommandable à plus d’un titre, a sauvé ainsi la récolte de plusieurs cantons qui, sans un avis, patriotique qu’il leur a adressé sur cet objet, alloient jeter au fumier leur provision, la ressource principale de l’hiver.

Usage des Pommes de terre germées. Dans cet état elles sont molles, flexibles, d’une saveur âcre ou amère ; enfin, elles ne valent plus rien pour la table ; & si elles ont poussé à un certain degré, elles répugnent aux animaux qui refusent d’en manger ; on peut cependant en tirer parti, par la raison que si la germination diminue la quantité d’amidon, & rend son extraction moins facile, celui-qu’on en obtient, peut encore être employé aux mêmes usages.

Usage de leur farine ou amidon. On le fait cuire dans l’eau, dans du lait ou dans du bouillon, comme de la bouillie, & il sert dans cet état aux malades, aux convalescens & aux estomacs foibles ; on en prépare aussi des gâteaux, des biscuits, & des crèmes excellentes, qui n’ont aucun des inconvéniens des mêmes préparations avec les autres farineux, & sont d’une ressource infinie pour les malades, & dans la santé un aliment aussi agréable & sain qu’il est peu dispendieux. Cet amidon peut être substitué au sagou & au salep dans tous les cas où l’on emploie ces deux substances, dont la cherté empêche souvent le malheureux de pouvoir en profiter ; il y a même lieu d’espérer qu’en étendant encore davantage la culture des pommes de terre, & multipliant d’autre part les moulins-rape, le prix de cet amidon diminuera assez pour permettre, dans une circonstance de cherté de grains, de l’introduire dans la masse alimentaire du pain, en suivant le procédé que nous avons indiqué à l’article Pain. (Voyez ce mot.)


Section VII.

Des Pommes de terre relativement à la nourriture des animaux.

L’avantage de nourrir les animaux domestiques, en ménageant les grains utiles à la consommation de l’homme, est incontestable ; & dans le nombre des substances propres à y suppléer, la pomme de terre doit sans doute être considérée comme la plus nourrissante : souvent le gland manque, le son est trop cher à cause du haut prix des blés, & une extrême sécheresse rend les fourrages rares, peu substanciels ou mal-sains : quel bénéfice