de trouver alors dans cette racine la faculté de nourrir de grands troupeaux. Avec cette denrée ils pourront passer la mauvaise saison, sans diminuer de valeur & sans souffrir ; enfin, ils se conserveront l’hiver dans un embonpoint qui prouvera combien cette nourriture leur est propre.
Elle mérite la préférence sur une infinité de substances, qui préparent plutôt les animaux à tourner à la graisse, qu’à la leur procurer.
C’est à cause de leurs bons effets pour les animaux, qu’on cultive les pommes de terre en grand dans plusieurs provinces. Tous s’en accommodent très-bien, soit qu’on les leur donne crues ou cuites, pourvu cependant qu’on en modère toujours la quantité, qu’on les associe avec d’autre nourriture, qu’elles soient toujours divisées, parfaitement lavées, & quand on les fait cuire, de ne jamais les donner qu’après qu’elles sont entièrement refroidies : nous observerons d’ailleurs que la cuisson combinant la partie aqueuse avec les autres principes, offre un aliment plus substantiel & plus solide. Ce double avantage compensera amplement les soins & les frais de cette opération dans toutes les circonstances où elle sera praticable.
Nous avons vu qu’en préparant la farine de pommes de terre, il restoit sur le tamis une matière qui est le corps fibreux de la racine. Cette matière peut servir de nourriture aux bestiaux, à peu près comme le son. Le fabricant de farine de pommes de terre à Paris vend ce résidu aux nourrisseurs, qui le font manger aux vaches : j’en ai également donné aux cochons. Mais un autre parti utile qu’on peut ençore tirer des pommes de terre, & qui seroit également perdu sans cet emploi, c’est leur feuillage qui peut, dans l’arrière-saison augmenter le fourrage avec lequel il faut toujours le mêler, vu que donné seul, il n’a pas assez de saveur pour appéter les animaux : jamais on ne s’est apperçu que leur usage les incommodât : les vaches que j’ai soumises à ce régime pendant un mois, n’ont pas perdu leur lait, & des troupeaux de moutons que j’ai fait entrer sur des pièces d’une certaine étendue, couvertes de pommes de terre, ont enlevé aux tiges da cette plante tout ce qu’elles avoient encore de succulent & de flexible. Si c’est une erreur de croire qu’en retranchant les tiges encore vertes, on fasse grossir les pommes de terre, c’en est une autre de regarder ce retranchement, lorsqu’il est fait à propos, comme nuisible ; mais pour compléter nos connoissances en ce genre, il nous faudroit sans doute une suite d’expériences variées & comparées pour constater la différence qu’il y a de la graisse & de la chair des animaux nourris avec la pomme de terre ou avec d’autres substances alimentaires. En attendant ce travail qu’un seul homme ne sauroit entreprendre, nous allons passer à quelques effets généraux observés sur les bœufs, les vaches, les chevaux, les cochons, la volaille & les poissons.
Pour les bœufs. Il faut toujours en régler la quantité sur leur force & leur embonpoint. On a éprouvé que beaucoup de pommes de terre les font enfler ; & qu’un boisseau, pesant environ dix-huit livres, données matin & soir, mêlées avec du son, du foin & un peu de sel dans les provinces où cet assaisonnement est à bon compte,