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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/265

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avance beaucoup l’engrais des bêtes à corne. M. Blanchet a même remarqué que dix à douze livres de pommes de terre nourrissoient autant qu’un quintal de navets ; mais il convient toujours de les faire cuire les quinze derniers jours de l’engrais.

Pour les vaches. C’est environ un tiers de moins de pommes de terre que pour les bœufs ; mais il faut également en régler la quantité, parce que, selon les observations des meilleurs agriculteurs, les bêtes à corne sont sujettes à enfler, comme avec les autres herbages, dès qu’on leur en donne trop à la fois. Un boisseau dans la journée suffit, en y associant toujours la paille hachée, du foin, le résidu de la bière, les sons & les eaux des amidonniers. On pourroit même former de la pomme de terre, la base de la nourriture liquide qui convient aux veaux, & en les sevrant de bonne heure procurer l’occasion de faire des élèves, sans nuire au commerce du lait qui porte les fermiers à s’en défaire si promptement.

Pour les chevaux. Les pommes de terre les soutiennent aux travaux du labourage & autres exercices, comme s’ils étoient à leur ration ordinaire ; il suffit de les mêler avec le fourrage, & de leur en donner une mesure semblable à celle de l’avoine. M. Saint-Jean de Crevecœur assure n’avoir jamais vu de chevaux plus sains & plus robustes que ceux qu’il a hivernés avec cette nourriture, & qu’elle les conservoit sains & frais comme s’ils alloient paître dans les prairies. Les anglois ont observé qu’elles pouvoient donner un bon remède contre les jambes gorgées ou enflées ; qu’en les donnant aux chevaux de chasse le lendemain de fortes courses, on les délassoit, Mais le premier en France qui se soit avisé de faire manger des pommes de terre aux chevaux, c’est M. de Lormoìs, il les y a accoutumés en faisant bouillir & pétrir ces racines avec de l’avoine. Ce grain leur a donné envie d’en manger : au bout de deux jours il fit diminuer l’avoine, & deux jours après, ils les mangèrent peu cuites, enfin toutes crues ; ils s’y sont tellement habitués, qu’ils grattent du pied, quand ils voient arriver le panier qui les contient, comme les autres chevaux à qui on porteroit l’avoine ; ils les mangent avec le même plaisir, engraissent sensiblement, & ont le poil aussi fin qu’il est possible de voir.

Pour les cochons. Il est difficile de trouver une nourriture plus substancielle, & qui paroisse plus propre à la constitution de ces animaux, aux vues qu’on a de les engraisser promptement & à peu de frais, comme les pommes de terre. D’abord on peut les leur donner seules & crues ; mais ensuite il faut les faire cuire & les mêler, sur la fin de l’engrais, avec la farine de quelques grains, tels que le sarrazin, le maïs, l’orge, moyennant quoi on évite l’inconvénient qu’on a reproché à ces racines de rendre le lard mol & la chair sans consistance.

Une autre manière de nourrir les cochons, à moins de frais encore, c’est lorsque les pommes de terre ont acquis leur maturité. On divise le champ où elles sont venues, au moyen de palissades ; on y lâche ensuite ces animaux, & on y met l’auge nécessaire pour les abreuver. En fouillant la terre ils trouvent aisément les racines qu’ils aiment. On les transporte ensuite dans une autre