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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/308

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parvenu à un certain âge, on le voit chargé & surchargé de bourses, (consultez ce mot) &, comme l’observe très-bien M. l’abbé Roger de Schabol, elles sont des sources de fécondité inépuisables, des amas d’une sève bien élaborée, tel que le lait contenu dans les mamelles pour la nourriture de l’enfant. L’expérience prouve qu’on ne voit jamais, ou du moins très-rarement, deux fortes récoltes consécutives de fruits sur les mêmes arbres dont il est question : cette alternative de récolte, toutes circonstances égales, ne tiendroit-elle pas à cet amas prodigieux de bourses qui se sont formées presque toutes en même-temps ? Sur de tels arbres on voit peu de boutons à fruit sinon sur les bourgeons d’une ou de deux années précédentes ; mais ces arbres produisent très-peu de bourgeons, parce que l’amas de bourses attire à lui presque toute la sève. Un seul coup d’œil sur ces arbres prouve ce que j’avance. On doit distinguer le bouton à fruit de la bourse ; ce sont deux parties séparées. (Consultez ce mot.) Le bouton à fruit commence à produire, & la bourse, au contraire, produit depuis plusieurs années & produira encore pendant plusieurs autres années. En effet on les voit se rider en anneaux, ou quand elles sont plus nouvelles, former au bout des branches à fruit une espèce de loupe charnue, dans laquelle on ne distingue aucune fibre sensible, & que l’on peut couper avec la serpette avec autant de facilité que la chair d’une pomme. De ces bourses sortent de nouvelles espèces d’yeux à fruit, & par la suite de nouveaux yeux encore. Enfin les bourses inférieures, anciennes, laissant aux nouvelles qu’elles ont produites, l’avantage de donner du fruit. On doit observer que le bouton ou œil qui a porté le fruit dans le cours de cette année, devient ensuite nul, mais que le nouvel œil sorti de cette même bourse ne fructifiera qu’à la seconde année. Or, comme l’arbre ne pousse point, ou presque point de nouveaux bois, & comme il est chargé de bourses qui suivent toutes la même marche, il est probable que c’est à cette cause qu’on doit attribuer les récoltes alternatives de deux années l’une.

Je prie de ne pas perdre de vue que j’avance cette proposition comme une conjecture ; mais à l’article poirier, j’ai dit que j’avois des poiriers greffés sur coignassier, tellement chargés de bourses, qu’ils ne portoient plus ni boutons à bois ni boutons à fruit ; l’expérience me prouve aujourd’hui que par la suppression totale que je fis l’année dernière d’une grande partie de ces bourses, j’eus une récolte abondante, parce que chaque fleur que je laissai retint son fruit. La saison a pu y contribuer, cependant cette même saison s’opposa à la fructification chez mes voisins. Voilà un commencement de preuve, & en voici une plus forte. Ma récolte de cette année est bonne, dois-je encore l’attribuer à la saison qui a également multiplié les fruits chez mes voisins, ou à mon travail de l’année dernière, sur un très-grand nombre de bourses auxquelles je supprimai l’œil qui devoit fleurir & ne laissai que le petit œil destiné à fleurir dans cette année ? jusqu’à présent la présomption est en faveur de mon travail, & prouve qu’il n’avoit pas contrarié la nature. Pour que ce genre de