Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/312

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eût été moins profonde & moins large, suivant la coutume ordinaire. Columelle disoit, avec raison, aux Romains : n’épargnez rien pour la plantation d’un arbre, souvenez-vous qu’il doit vous survivre, & que si vous êtes avare à son égard, il le sera au vôtre & vous coûtera le double s’il faut que vous le replantiez. Si on ajoute à cette dépense la non-valeur du sol pendant plusieurs années, & le manque de récolte, on se convaincra que l’on a perdu dix fois le prix des bonifications qu’on auroit dû lui donner en ouvrant la fosse & en le plantant. Pères de famille, c’est pour vous & pour vos enfans que vous plantez, plantez moins si vos facultés sont bornées, mais plantez mieux lorsque vous serez dans le cas. Dans les provinces à pommiers, le gazon n’y est pas rare, parce que l’atmosphère y est humide & naturellement peu chaude ; ainsi aux momens de loisir faites en transporter quelques tombereaux ; en pourrissant il forme de la terre végétale ou humus, que vous serez bien aises de trouver sur les lieux, le jour destiné à la plantation. Il suffit d’avoir un peu d’ordre dans ses travaux pour prévoir même long-temps à l’avance, la quantité de gazon dont on aura besoin par la suite. Le travail se trouvera fait sans qu’on s’en soit aperçu, & on aura employé des instans qui auroient été perdus. Le grand art de l’agriculteur est de bien employer ses momens. Que de journées, de demi-journées, & de quart de journées perdus, pour ne pas avoir su en profiter ! Après cela, on se plaint que le temps manque ! y ne manque jamais quand tout est fait à propos.

C’est la plus mauvaise des méthodes de planter les pommiers à cidre dans les prairies, & de les convertir en verger, même en travaillant chaque année la circonférence du tronc à six pieds de distance. Si la terre a beaucoup de fond, si ce fond est aisément perméable aux racines ; enfin, si l’arbre a son pivot, le mal sera moins grand à la vérité, mais il existera toujours. Si au contraire la terre est maigre par elle-même, si elle a peu de fond, si enfin on a retranché le pivot, on conçoit bien que les racines seront horizontales & à fleur de terre ; dès-lors quelle nourriture tireront-elles d’un sol couvert d’herbe, qui s’approprie les bons effets des météores, & dont les racines absorbent tous les sucs de la couche superficielle de la terre ? C’est un cas très-rare de voir un pareil verger prospérer.

Il vaut beaucoup mieux renoncer à l’herbe, au fourrage, & travailler à se procurer quelques récoltes en grains ; d’ailleurs, tout fourrage venu à l’ombre & sous les arbres, est d’une qualité très-inférieure, appelée aigre par les gens de la campagne. En général, dans aucun cas, on ne peut espérer une bonne récolte en dessus & en dessous ; l’une nuit essentiellement à l’autre.


CHAPITRE III.

De la culture & conduite des pommiers à fruits à couteaux.

I. Des différents sujets de pommiers. On multiplie les pommiers, ou par semences, qui donnent le véritable franc, ou par sauvageons, qui sont de jeunes plants levés dans les bois, & produits par les semences