ayant été privés de la chaleur continuelle de la poule, ou par le dérangement des œufs, sont si foibles qu’ils ne peuvent point franchir la coque ; il faut alors faire tiédir du vin avec une partie égale d’eau, on y ajoute un peu de sucre, & la gouvernante trempe son doigt dans le vase où est cette liqueur & en mouille un peu le bec du poussin, qui en piaulant en avale un peu & prend de nouvelles forces. Si la gouvernante a eu l’attention vers le onzième ou douzième jour de mirer ses œufs pour voir s’ils ont pris, elle peut remarquer ceux qui paroissent avoir moins de vigueur que les autres, pour, lorsque la fin de l’incubation approche, donner aux poussins que ces œufs contiennent, les secours dont on vient de parler.
» La ménagère doit, à mesure que les poussins naissent, les laisser sous la mère au moins un jour entier & même davantage en attendant que les autres viennent ; il n’est pas besoin de leur donner de la nourriture. Lorsqu’au 21e jour il y a des œufs qui ne sont point ouverts ou éclatés en quelques parties, & où l’on n’entend point le piaulement des poussins, il faut les jeter.
» Le temps de l’incubation fini, on sort les poussins du nid, on les loge avec la mère dans un grand panier, pour un ou deux jours seulement. Ce panier doit être garni d’étoupes, pour qu’ils n’aient pas froid ; ensuite on les accoutume peu à peu à l’air. On les parfume avec du romarin ou de la lavande, pour les garantir de bien des maladies auxquelles ces petits animaux sont sujets dès l’instant de leur naissance ;[1] mais dès qu’au bout de
- ↑ Olivier de Serres dit, là, les parfumera avec des herbes de benne senteur, comme romarin, pouillot, & semblables : prévenant, par tel remède, plusieurs maladies, es quelles ces bestioles sont sujettes dès leur origine, même à la pépie. Cette assertion d’Olivier a induit en erreur tous ses copistes. Ces parfums sont inutiles & ne peuvent en aucune manière prévenir la pépie, maladie qui tient au racornissement du bout de la langue, & dont la cause prochaine est le manque d’eau,
pointe de son bec, il faudroit que dans cette même coque il eût assez d’espace afin qu’en retirant la tête en arrière, & portant la pointe du bec contre elle, il pût frapper des coups redoublés & assez forts. Or, il est bien démontré que le poussin n’y trouve pas l’espace. Il est également démontré que la poule ne lui aide, en aucune manière à rompre sa coque, puisque les poussins que l’on fait éclore artificiellement, & qui n’ont pas de mère, la brisent tout aussi-bien que ceux qui sont couvés par une poule ; mais la main de l’Être qui a donné la vie à l’homme & aux plus petits animaux, a manifesté sa sagesse infinie dans la formation, depuis le ciron jusqu’à l’éléphant. Je crois déjà avoir dit quelque part dans cet Ouvrage, que le poussin dans sa coque a au bout du bec, & dans sa partie supérieure, une petite corne avec laquelle il scie sa coque, & que pour y parvenir, le moindre mouvement possible de la tête suffit ; en tirant un peu du bas en haut & de haut en bas, il l’use, la lime, plutôt qu’il ne la rompt. En effet, on ne voit sur cette coque qu’une simple fêlure, & l’endroit qui a servi à la sortie du poussin prouve bien que là il y a une cassure, mais que la première ouverture a été commencée par une simple fêlure. Cette petite corne ou trompe, comme on voudra l’appeler, tombe deux ou trois jours après, la sortie du poussin, & le bec reste net.