tances où il se trouve, à les étudier, & d’après des calculs faits sans prévention, en conclure s’il doit les conserver ou les détruire. Mon but est de l’inciter à réfléchir sur un genre de récolte, que l’on conserve plutôt par habitude que par la démonstration rigoureuse d’un produit qu’on ne pense pas devoir augmenter.
Des prairies naturelles arrosées.
Il est de fait qu’une telle prairie ne peut subsister que sur un bon fond de terre, & dans un climat naturellement frais, ou du moins dans un climat où les pluies sont fréquentes. Il est aisé de penser qu’il ne s’agit pas ici de hautes montagnes dont la température variable & froide ne permet presqu’aucune culture en grains, & dont l’herbe est courte & fine ; ce pays doit être consacré à la pâture du bétail & des troupeaux, & à l’éducation des chevaux. Il n’est pas question non plus de ces cantons si éloignés des centres de consommation que le produit de la vente couvriroit à peine les frais du transport ; l’herbe doit être consommée sur les lieux. Il n’est pas question non plus des sols disposés en pente rapide. S’ils ne sont pas couverts d’herbes, ils doivent être plantés en bois ; il n’est pas prudent d’y hasarder aucune culture, parce que les pluies entraîneroient successivement la couche végétale, & laisseroient bientôt à nu le rocher ou la couche infructueuse. (Consultez le mot Défrichement) Ces exceptions, & une infinité d’autres qu’on pourroit citer, tiennent à la localité, aux circonstances ; dès-lors elles ne prouvent rien contre la proposition générale.
La plus forte & la plus séduisante objection en faveur des prairies naturelles non arrosées, est qu’elles produisent sans exiger aucune culture, & que dans tout domaine il doit y avoir une certaine quantité de terrain destiné au pâturage.
Pour bien juger en agriculture, on doit le faire par comparaison. Il faut donc calculer le produit antérieur de cette prairie pendant dix ans, & en prendre le terme moyen : calculer en même temps à combien auroient monté les frais de culture de ce pré converti en terres labourables pendant ces dix années ; enfin quel auroit été son produit en grains pendant le même laps de temps. Il est impossible, d’après ces trois tableaux exactement faits par le propriétaire, qu’il ne voie pas clairement en faveur duquel penche la balance ; mais comme les produits dépendant de la qualité du sol, du climat, de la manière d’être des saisons ; enfin, comme la valeur de ce produit dépend du plus ou moins d’abondance, de consommation, de débouchés qui varient d’un lieu à un autre, le lecteur me dispensera d’entrer dans ces détails ; & quand même j’en tracerois un tableau à la rigueur pour un canton, il ne seroit d’aucune utilité pour le canton voisin. C’est au propriétaire à faire ce travail, & je l’invite très-fort à se méfier de tout écrivain qui lui offriroit un pareil tableau ; l’écrivain pourroit avoir raison pour sa localité, mais il induiroit en erreur celui qui croiroit devoir généraliser ce tableau. Cet examen une fois fait (toutes circonstances égales) je ne crains pas d’avan-