Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/37

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qu’il vous a laissé ; que chaque année soit marquée par de nouvelles plantations, & de temps à autre, si vous conservez le goût des plaisirs purs, transportez-vous en idée vers ces jours heureux où vous aurez votre famille rassemblée autour de vous, & assise sous l’ombrage des arbres que vous aurez plantés ; oh ! combien seront doux & agréables les fruits que vous aurez cueillis pour elle ; qu’il sera pénétrant le baiser donné par le plus jeune de vos enfans ! il exprimera sa reconnoissance, & il vous sera impossible de lui refuser des larmes d’attendrissement, car je les verse en écrivant, sans espérer le même bonheur que vous.

Je n’ai cessé, dans tout le cours de cet Ouvrage, d’exhorter à planter ; j’ai plus fait, j’ai osé dire que c’étoit la meilleure spéculation qu’on pouvoit faire en agriculture. Cette assertion a paru outrée à quelques-uns de nos lecteurs, & sur-tout à M. P. D. L., qui a eu la bonté de me communiquer des observations très-judicieuses ; elles seroient ici déplacées, mais j’en ferai mention au mot Taillis. En attendant, consulter ce qui a été dit aux mots Arbres, Baliveaux, Bois, Communaux, Défrichement, &c. Je pourrois faire la même réponse que Dioclétien, lorsqu’après avoir abandonné l’empire, les calamités publiques forcèrent le peuple romain à le prier d’en reprendre les rênes : Vous ne me donneriez pas un semblable conseil si vous aviez vu le bel ordre des arbres que j’ai moi-même plantés.

La saison de planter dépend du climat, de la nature de l’arbre & du sol. Comme les climats varient, soit en raison des abris, (consultez ce mot) soit en raison de l’élévation des lieux au-dessus du niveau de la mer, ou de leur rapprochement du nord ; il n’est donc pas possible d’établir une règle générale & invariable, autrement ce seroit induire en erreur l’habitant de la campagne.

I. Du climat. Prenons les deux extrêmes pour exemple, les provinces du midi & du nord du royaume. Dans celles du midi, on doit redouter les sécheresses & la chaleur du printemps ; il est donc indispensable de se hâter de planter, dès que les feuilles sont tombées des arbres. Si on attend en février ou en mars, on court grand risque de ne pas sauver dix arbres sur cent qu’on aura plantés. Dans peu la terre de la fosse fraîchement remuée, laissera échapper le peu d’humidité qu’elle contient ; les racines se dessécheront bien vite, & la terre ne sera pas prise avec elles.

Dans celles du nord au contraire les plantations faites à la chute des feuilles, ont deux inconvéniens à surmonter, les trop grandes pluies & les froids rigoureux. Les grandes pluies pénètrent la terre nouvellement remuée, la délayent presqu’en consistance de boue, surchargée d’humidité elle se colle moins aux racines, & l’action du froid a infiniment plus de prise sur elle. L’effet de la gelée est de faire occuper à l’eau convertie en glace, un plus grand volume que celui de son état naturel comme eau, d’où il arrive nécessairement que le froid qui gèle l’eau dont la terre est imbibée jusqu’au fond de la fosse, fait renfler toutes ses parties, & elles serrent les racines comme dans un étau ; mais