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bétail sera moins fatigué & tout le travail mieux fait. S’il a été bien dirigé, ces quatre labours suffisent ; il ne reste plus qu’à passer la herse, briser les mottes s’il en reste, épierrer & semer. Tout travail excédant est superflu ; si malgré cela il reste encore beaucoup de mottes, c’est une preuve qu’on a commencé à labourer lorsque la terre étoit trop sèche ou trop humide, ou enfin qu’on a laissé le bétail & les troupeaux paître sur le champ avant ou pendant l’hiver ; il est impossible que des labours faits comme nous l’avons dit, & donnés à propos ne soient pas suffisans. Mais je le répète, ils ne vaudront jamais celui fait à la pioche & encore moins celui de la bêche.

Eh quoi, dira-t-on, un si grand travail pour convertir un champ en pré ! tandis que dans plusieurs provinces de ce royaume le sol se charge de lui même d’herbes & vaut une prairie ! Que de tels cantons se félicitent d’un tel avantage ; mais des exceptions & souvent purement locales, ne détruisent pas une règle générale ; il est bon d’observer que ces prairies accidentelles ne vaudront jamais, même dans le canton, celles qui auront été faites en suivant une des manières ci-dessus indiquées ; que ces prairies accidentelles seront chargées d’herbes étrangères ou parasites, & que ces herbes n’auront jamais la même hauteur ni le fourré des fromental ; & quand cela seroit, une exception, & plusieurs de ce genre ne détruisent pas la loi générale.

Quant aux prairies qui ne sont pas susceptibles d’irrigation, & auxquelles je conseille très-fort de substituer la culture alterne, elles demandent les préparatifs que j’ai indiqués & encore mieux soignés, parce qu’elles devront tout au sol & au hasard des pluies. Ainsi, dans tout état de cause, les grands préparatifs sont nécessaires.

On dira peut être encore que les racines des plantes graminées ne plongeant qu’à six pouces environ dans la terre, il est superflu de défoncer à vingt pouces de profondeur. L’objection seroit vraie s’il ne falloit pas que ce défoncement servît à former une espèce de filtre, par lequel une plus grande quantité d’eau pénètre plus profondément & devient en quelque sorte un réservoir, dont l’eau s’évaporant par la chaleur du printemps & de l’été, rencontre les racines, les abreuve & les nourrit. Si au contraire le défoncement n’a été que superficiel, on voit bientôt l’herbe se faner & languir, faute d’humidité en dessus ou en dessous.


Section III.

Du choix des graines, & de la manière de les semer.

§. Ier

Du choix des graines.

Parmi plus de 40 espèces de plantes graminées, que l’on trouve communément dans les prairies, à peine en trouve-t-on une douzaine qui soient utiles, & quatre au plus qui méritent toute notre attention. Ce sont les trois espèces d’avoines, vulgairement & mal à propos nommées fromental. puisqu’elles ne sont point du genre du froment. On les a sans doute ainsi appelées, parce qu’elles sont par