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titude prodigieuse de plantain à feuilles étroites. On achète chèrement la graine, & pour son argent on n’a qu’un mélange monstrueux de semences de différentes espèces de plantes qu’il coûtera beaucoup de détruire par la suite.


$. II.

De la manière de semer les Graines.

Lorsque le sol est bien préparé, bien régalé ainsi qu’il a été dit, l’ouvrier plante trois ou qautre, ou un plus grand nombre de piquets en lignes droites suivant la longueur du champ. Cette file de paquets est éloignée de 8 pieds des bords du champ ; il sème une surface de quatre pieds en allant, & l’autre surface en revenant. Par ce moyen tout l’espace est recouvert par la semence, & il choisit pour cette opération, autant que faire se peut, un jour serein, tranquille & peu agité par le vent. De cette manière la semence n’est point entraînée & portée plus sur une place que sur une autre.

Le semeur doit être un homme très-exercé dans ce travail. Il vaut mieux payer une forte journée à un homme habile, qu’une médiocre à un mauvais ouvrier. Sur vingt semeurs de blé à peine en trouve-t-on deux bons, & à peine un pour la graine de pré ; cependant du semis dépend la prospérité de la prairie. On veut ensuite semer de nouveau, quand on s’aperçoit des défauts du premier travail, mais on pallie le mal sans y remédier complètement.

Après que le premier sillon aura été couvert, l’ouvrier plantera de nouveaux piquets à la distance de 8 pieds des premiers, il recommencera l’opération & la continuera ainsi jusqu’à ce que tout le champ soit couvert de semences.

On se sert en Languedoc, pour tracer ces raies indicatrices, d’une espèce de charrue très-légère, qui soulève la terre sur laquelle elle passe, de 15 à 18 lignes, sur une largeur d’un à deux pouces. Je préfère les raies ainsi tracées sur toute la longueur & largeur du champ, à l’usage des piquets, parce que dans la distance de l’un à l’autre la vue se perd tandis qu’elle est conduite par les deux lignes parallèles faites à la charrue. Cet instrument n’est autre chose qu’un brancard léger dont l’ouvrier tient de chaque main un des bras, & au bas duquel est maintenu un très-petit soc de charrue. L’ouvrier mesure la distance qui doit rester d’une raie à une autre, y plante un piquet, & recommence sa même opération à l’autre bout du champ, ensuite au milieu si la distance est trop considérable. Alors commençant par un bout, & fixant les yeux sur le piquet qu’il a en face, il marche droit à lui entraînant sa charrue. De cette manière il sillonne sans interruption la partie du champ qui doit être semée dans la matinée ou dans la journée, si la chaleur n’est pas assez forte pour faire perdre la couleur de la raie & la rendre semblable ou la confondre avec celle de la terre voisine. Cette opération, peu coûteuse & bientôt faite, fixe singulièrement l’œil & la main du semeur.

Aussitôt après que deux ou trois raies sont semées, on se hâte de passer la herse ; (consultez ce mot) elle doit avoir des dents très-courtes ; si elles