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ne pas être arriéré s’il survient des pluies ou tels autres contre-temps.

L’opération faite par la charrue est infiniment plus longue & moins sûre. Le propriétaire choisira son meilleur laboureur, son bétail le plus fort, & la charrue qui marche le mieux, & dont l’oreille retournera la plus complettement la terre. Il commencera à labourer aussitôt après le première coupe du foin, & il ne prendra pour chaque raie que deux ou trois pouces à la fois. Il ne s’agit pas dans ce premier travail d’aller vite, il demande à être bien fait, afin d’éviter beaucoup de peine pour le suivant. En prenant peu de terre à la fois, le bétail est moins fatigué, le sol plus approfondi, & la motte plus sûrement & plus profondément enfouie. Le gros été passera sur ce premier labour. Si on doit semer vers la fin de septembre ou au commencement, on se pressera à cette époque de multiplier les labours qui ameubliront la terre, & la disposeront à recevoir la semence. L’herbe & ses racines auront eu le temps de se pourrir ; si au contraire le laboureur a pris beaucoup plus de terre à la fois, une partie de l’herbe & de ses racines sera enterrée, l’autre ne le sera pas, & c ; celle qui ne sera pas enfouie n’en végétera que mieux à un second labour ; ces grosses mottes, ces grosses touffes seront soulevées par la charrue, glisseront & ne seront pas enterrées. Ce ne sera donc plus qu’à la longue que l’herbe & les racines pourriront, & alors cette partie de terre qui n’aura plus ses liens d’adhésion, sera rendue meuble par les eaux des pluies ; mais si le climat est naturellement sec, & si on sème de bonne heure, il faudra de toute nécessité dépasser le temps des semailles, avant que le champ soit en état.

Si on sème après l’hiver, on fera très-bien, à la fin de l’automne, de donner un second & fort labour croisé, les gelées ameubliront la terre, & les labours qui doivent précéder les semailles, seront plus faciles. Il faut se ressouvenir que dès que la chaleur n’est pas à dix degrés au-dessus de zéro, l’herbe pourrit difficilement, & ne pourrit point du tout si la chaleur n’est que de deux à trois degrés, parce qu’il n’y a point de fermentation alors, & sans fermentation point de putréfaction. C’est de ce principe que dérive l’absolue nécessité de labourer la terre par tranches très-minces, afin que les touffes soient recouvertes de terre, & éprouvent pendant l’été la fermentation qui désunit tous leurs principes & les réduit en terreau ou terre végétale. On dira avec raison que le sol, recouvert, pendant un long intervalle d’années, par l’herbe qui constitue la prairie, a dû accumuler une grande quantité de terreau. Cela est vrai & très-vrai, & la couleur noire du terrain l’indique d’une manière évidente ; mais il s’agit d’avoir une récolte après le défrichement, & la semence ne doit pas être enfouie sous une motte de terre qui s’opposera à sa germination. D’ailleurs, si toute cette herbe n’est pas exactement consommée, l’herbe ancienne repoussera & nuira aux bonnes plantes. Lorsque le sol est bon, l’eau assez abondante pour l’irrigation, c’est toujours la faute du propriétaire, si les animaux & les plantes parasites se multiplient dans sa prairie, & s’il faut enfin la défricher.