Sur un semblable terrain, on est assuré d’un très-grand nombre de bonnes récoltes consécutives en grains de toutes espèces ; mais il ne faut pas attendre qu’elles épuisent le sol. Dès que leurs produits commencent à diminuer, on remettra le champ en prairie, en suivant la méthode indiquée dans les Chapitres précédens.
Nos Colonies des îles de l’Amérique font actuellement élever une statue à M. de Clieux, qui y introduisit, en 1720, la culture du café (consultez ce mot) ; cet hommage un peu tardif, à la vérité, de leur reconnoissance, caractérise le mérite & l’utilité de l’entreprise du bienfaiteur de ces pays lointains ; toute ame sensible verra avec le plus grand intérêt ce monument flatteur élevé à la gloire de ce respectable citoyen. ; mais si la culture du café a enrichi l’Amérique, celle des prairies artificielles doit produire la révolution la plus avantageuse pour la France, & il est bien fâcheux qu’on ignore le nom du cultivateur qui le premier alterna ses champs par les prairies artificielles. La culture du café a fait diminuer celle du cacao ; celle, des prairies artificielles, au contraire, vivifie toutes les cultures en grain. Puissai-je voir le moment heureux où il n’existera plus de jachères ! Souhait illusoire ! l’empire de la coutume s’opposera à la réalité, & il tyrannise tellement les facultés du commun des hommes, qu’ils se refusent à l’évidence. Si on demande d’où dérive cette opiniâtreté ? L’habitude la fait naître, le défaut de lumières l’entretient, & la méfiance qu’ont inspirée des opérations peu réfléchies, proposées par de prétendus agriculteurs, la perpétue. Il est inutile de répéter ici ce qui a déjà été dit dans différens articles sur la méthode d’améliorer les terres. (Consultez les mots Amendement, Engrais, Alterner, &c.
On a placé dans le commencement les prairies non-arrosées au rang des artificielles, & c’est à tort, puisque l’herbe (chacune suivant son climat) auroit végété dans ces champs sans la semer ; une grande partie de nos provinces de France en fournissent la preuve. Ces prairies, à la vérité, sont presque par-tout maigres & de peu de valeur, si on leur refuse les engrais. On ne doit, à la rigueur, appeler prairie artificielle, que celle qui est semée pour un temps plus, ou moins long, suivant la qualité de la plante & l’effet qu’elle doit produire. Telle, est la luzerne qui réussit depuis le nord de la France, jusqu’aux bords de la méditerranée, si le sol a du fond & lui convient ; le grand trèfle que l’on sème sur le blé ; enfin le sainfoin ou esparcette, très-avantageux dans les terres maigres, Ces trois espèces de plantes donnent beaucoup de fourrage. Les plantes du second ordre, quoique moins généralement utiles, le sont cependant beaucoup. Je mets de ce nombre toutes espèces de. raves, raiforts, que des auteurs ont désignés sous la dénomination inutile de turneps, comme si le mot françois n’étoit pas aussi caractéristique que le mot anglois ; les carottes, les bettesraves, rouges & jaunes ; ces dernières présentées récemment sous