Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/461

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transportent, d’abord celui de cuvée & ensuite les autres, dans le cellier ; & ils les entonnent dans des poinçons rangés sur des chantiers couchés sur terre & souvent peu solides.

Un homme au barlon, remplit les bannes, deux autres les portent au cellier & les versent dans de grands entonnoirs de bois placés sur des poinçons, & portent dans chaque banne ou hottées, deux ou trois seaux, lesquels seaux peuvent contenir chacun treize à quatorze pintes, mesure de Paris. Un autre se tient au cellier pour changer les entonnoirs à mesure qu’on verse une hottée dans chaque poinçon, & il a soin de marquer chaque hottée sur la barre du poinçon pour ne pas se tromper, ce qui arrive cependant fort souvent : quand les deux porteurs de hottée ont versé chacun une hottée de vin dans chaque poinçon, ils recommencent une autre tournée dans les mêmes poinçons & ils continuent de même jusqu’à ce que tout le vin soit entonné. Si après une première, seconde ou troisième tournée, il reste encore quelque vin dans le barlon, & qu’il y ait encore quelques moyens vaisseaux à vider & dont le vin doive être entonné dans le même poinçon, le pressureur placé au barlon verse le vin de ces moyens vaisseaux dans le grand barlon, & avec une pelle de bois le remue fortement pour le bien mélanger avec celui qui étoit resté dans le barlon ; ensuite ils continuent leur tournée jusqu’à ce que tout le vin soit entonné. Ils en usent de même à l’égard des vins de taille & de pressoir. Les uns emplissent leurs poinçons jusqu’à un pouce près de l’ouverture, pour leur faire jeter dehors toute l’impureté dans le temps de la fermentation ; les autres ne les emplissent qu’à quatre pouces au-dessous de l’embouchure, pour les empêcher de jeter dehors.

Voilà l’usage des champenois pour l’entonnage de leurs vins. Je demande si dans ces différens transports, ces changemens & reversemens d’un vaisseau dans un autre, le vin n’est pas étrangement battu & fatigué, & si on n’en répand pas beaucoup ? si le grand air qui frappe sur ces grands & larges vaisseaux entièrement découverts, ne diminue pas la qualité du vin ?[1] si le mélange en est bien fait ? si on peut assurer que chaque poinçon contient une quantité parfaitement égale ? &c. Le moyen de prévenir ces inconvéniens est de suivre la maxime que je vais prescrire.

On peut préserver le vin de la corruption que l’air lui occasionne, dès le moment que, sortant du pressoir par la goulette ou beron, il se répand dans les barlons RQ, Planche XXVVI. Pour y parvenir, il ne s’agit que de donner aux barlons un

  1. Note de l’Éditeur. Ce n’est pas le contact extérieur ou atmosphérique qui nuit au vin ; la vraie cause du mal est que par ces versemens & reversemens perpétuels du vin, est sans cesse agité, & son air de combinaison, son air fixe qui est le lien des corps, s’en dégage, & entraîne avec lui une portion du spiritueux. Consultez les mots Air fixe & Fermentation. Cette note sert de correctif à ce que M. Legros avance dans la suite, lorsqu’il confond l’effet de l’air atmosphérique, avec celui de L’air fixe.