Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/554

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enfin, jusqu’à ce qu’il monte une égale quantité de séve & de bonne qualité, l’arbre souffre & se rabougrit. Enlever jusqu’au vif avec le tranchant de la serpette toute la partie de l’écorce racornie & attaquée par le coup de soleil, est le seul moyen de remédier à cet inconvénient. L’onguent de S. Fiacre mis sur la plaie y entretient de la fraîcheur, ainsi que le linge dont on enveloppe le tronc pour maintenir l’onguent : peu à peu l’écorce se régénère, & l’arbre reprend sa première vigueur.

La mouche meunière, ainsi que plusieurs autres insectes, déposent souvent leurs œufs sous l’écorce des arbres ; ces œufs éclosent, produisent une larve ou ver. Ceux de certaines espèces ne travaillent qu’entre l’écorce & l’aubier, & y creusent des galeries en mâchant la substance de tous deux ; quelques-uns pénètrent dans la substance même du bois, & y travaillent avec ardeur & sécurité. Cependant ces mineurs laissent toujours des traces de leurs dégâts, telles sont les sciures que l’on voit aux pieds des arbres directement sous le débouché par où l’animal les a expulsées de sa retraite. Avec un fil de fer bien recuit & souple, on sonde la profondeur de la galerie, & en l’enfonçant on perce l’animal. Si la galerie est simplement entre l’écorce & ; l’aubier, on le connoît à la couleur rousse & différente de celle que l’écorce avoit auparavant ; alors on ouvre cette écorce avec la serpette, on en détache toute la partie morte, & on remplit la cavité avec l’onguent de S. Fiacre, qui sert encore à recouvrir les bords de l’écorce saine qu’on vient de séparer de l’écorce morte.

Il est facile de comprendre que si ces galeries sont multipliées, proportion gardée avec la force de l’arbre, le cours de la séve doit être altéré, & par conséquent les principes de vie diminués dans l’arbre ; de là le rabougrissement ou la mort si le mal est considérable.

La manière de planter les arbres & la nature du sol contribuent singulièrement à les faire rabougrir, 1°. lorsque la greffe est enterrée ; 2°. lorsque la greffe fait bourrelet ; 3°. lorsque le sujet est trop foible & le sol trop fort, trop tenace ; 4°. lorsque les racines ont été, suivant la marotte générale, mutilées & raccourcies sous prétexte de les rafraîchir.

La greffe enterrée fait éponge, & ne ressemble pas mal, quant à l’effet, aux loupes dont il a été question ci-dessus. Par la greffe, les filières ou canaux directs de la séve sont interrompus, & leur oblitération, en partie, ne laisse monter qu’une séve plus épurée ; mais lorsque la greffe est enterrée, elle absorbe une portion de l’humidité de la terre, & cette portion n’étant pas assimilée à la nature de la séve, élaborée & travaillée par le levain contenu dans les racines, introduit dans le torrent de la circulation une substance étrangère dont l’arbre ne peut se débarrasser que très à la longue par la transpiration ; mais comme cette substance étrangère se renouvelle sans cesse, le mal augmente insensiblement, & l’arbre rabougrit. J’ai dit que la greffe enterrée ressembloit aux loupes ; la comparaison n’est pas absolument exacte, puisque celles-ci repoussent l’humidité en dehors, & que celle-là absorbe l’humidité de dehors en de-