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dans ; mais dans l’un & l’autre cas, toutes deux nuisent à la végétation.

Jamais un arbre dont la greffe fait bourrelet ne prospérera. Le pépiniériste, au lieu d’attendre que le sujet soit en état, par sa grosseur, de recevoir la greffe, (consultez ce mot) au lieu de le receper & d’attendre à greffer sur la nouvelle pousse de l’année suivante, se hâte mal à propos, pour gagner du temps & pour promptement vendre son arbre. La greffe seule travaille, la séve s’y porte avec impétuosité, mais ne pouvant redescendre aux racines avec la même facilité, par le peu de diamètre du pied, la base de la greffe grossit & forme un bourrelet au dessus du pied. S’il ne redescendoit que la même quantité de fluide qui est montée pendant le jour, ce bourrelet n’auroit pas lieu ; mais on sait que pendant la nuit les feuilles aspirent une certaine quantité d’humidité de l’atmosphère, qui se mêle avec la séve descendante pendant la nuit, & augmente d’autant son volume. Il en est de ces greffes comme des ligatures faites trop fortement du tuteur contre le tronc du jeune arbre. L’écorce pressée & serrée ne permet pas le libre cours de la séve, & au dessus de la ligature il se forme un bourrelet ; les cerisiers y sont fort sujets. Il est rare qu’un abricotier, greffé sur un prunier trop jeune, ne fasse pas bourrelet ; qu’une greffe levée sur un franc, & placée sur un coignassier, ne produise le même effet, ainsi que sur un paradis, &c. Quoi qu’il en soit, un propriétaire ne doit, dans aucun cas admettre un arbre dont la greffe fait ou menace de faire bourrelet. Sans cette précaution, il est sûr d’avoir bientôt des arbres rabougris.

Si on plante des arbres greffés sur coignassier ou sur paradis, si ces arbres sont sans pivot, si leurs racines sont écourtées, enfin si un tel arbre est planté dans un sol tenace & compact, comment veut-on qu’il y réussisse ? Pendant la première année, il travaillera à réparer la sottise du jardinier ; il poussera quelques chevelus dans une terre qu’il trouvera ameublie par la fouille ; l’année d’après, cette terre, serrée par son propre poids & par les pluies, aura repris sa première ténacité, & les chevelus n’auront plus la force de la pénétrer & de s’étendre. De tels arbres végéteront avec langueur pendant quelques années ; leur tronc, leurs branches se chargeront de mousse si l’atmosphère est naturellement humide, & voilà des arbres rabougris. Les arbres sur franc conviennent seuls à un semblable terrain, & encore faut-il qu’ils aient leur pivot & toutes leurs racines. Les arbres rabougrissent également dans les terrains trop humides, les racines chancissent, la séve est trop aqueuse, & ses principes trop délayés ; dès-lors la végétation est perpétuellement contrariée, & l’arbre rabougrit plus ou moins vite suivant le plus ou moins de qualité qu’a la séve.

Par la raison contraire, les arbres rabougrissent également dans les terrains trop secs, trop graveleux, trop maigres, leurs branches sont en raison de leurs racines, & les racines sont plutôt nourries & entretenues par les feuilles que celles-ci par les racines. L’équilibre de la séve montante & descendante ne s’y trouve plus, il faut donc que l’arbre souffre & rabougrisse.

C’est à tort que l’on voudra contrarier la nature, imitons-la ; ne