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par le gibier aussi multiplié dans les champs que le font les oiseaux de basse-cour dans une forte métairie.


RENARD, animal trop connu pour le décrire. En diminuer le nombre, ce seroit rendre un très-grand service aux ménagères de basse-cour ; mais en exterminer la race, ce seroit nuire essentiellement aux récoltes & aux prairies. Le renard est un animal carnivore, qui, au défaut de poules & de lapins, mange avec avidité les rats, les souris & mulots. L’expérience a prouvé que dans tous les cantons où l’on avoit détruit les renards, les mulots s’étoient multipliés au point qu’ils abimoient les prairies & les récoltes. Sans les mouches, sans les insectes, de quoi vivroient les oiseaux à bec alongés, puisqu’ils sont leurs seuls alimens, & les oiseaux à bec rond & pointu, quoiqu’accoutumés à manger du grain, ne les épargnent pas dès qu’ils peuvent les surprendre. Tout est donc dans la nature en espèce de guerre ; le plus foible devient la victime du plus fort, & le foible trouve encore de plus foibles que lui ; ainsi de dégradations en dégradations depuis le lion jusqu’à l’insecte microscopique. Je n’insisterai pas sur les ruses du renard, sur son caractère ; ils sont trop bien décrits dans les ouvrages de M. de Buffon, & personne n’ignore que le renard passe pour l’un des animaux le plus rusé. Pour le détruire, il faut l’étouffer dans sa tanière, ou être plus fin que lui, & le prendre au traquenard ; (consultez ce mot) mais ce piège demande une préparation qui serve d’amorce pour attirer l’animal dans le piège. Voici le procédé.

Fricassez des morceaux de pain ; il faut un quart de livre de graisse de cochon la plus fraîche, une livre de pain coupé par petits morceaux, un oignon blanc, gros comme une demi-fève de camphre, deux cuillerées de miel qu’on ne met qu’après que les morceaux de pain sont grillés ; vous ferez cuire le tout dans une casserole neuve jusqu’à ce qu’il soit bien roux ; ensuite les morceaux de pain ainsi préparés serviront à amorcer.

Préparation du traquenard. Prenez un quart de livre de graisse d’oie ou de canard, un oignon blanc, une poignée de bois de morelle ou douce-amere (consultez ce mot) gros comme une demi-fève de camphre, deux cuillerées de suc de fiente de cheval ; râpez de l’iris de Florence ce qui peut entrer dans une coquille de noix ; faites bouillir le tout ensemble, ayant soin de bien remuer afin. de mélanger exactement la totalité ; ensuite passez la drogue à travers un linge fin ; videz-la dans un pot de terre neuf que vous aurez soin de bien boucher ; plus cette graisse est vieille, meilleure elle est.

Le renard a l’odorat très-fin, & afin de lui masquer l’odeur que l’homme transpire, les semelles de ses souliers doivent être imprégnées de la pommade suivante. Dans le temps des hannetons (consultez ce mot) il faut en remplir un pot de terre neuf, y mêler également de la graisse de cochon, ensuite l’enterrer dans du fumier jusqu’à ce que le tout soit pourri.

Quand on veut tendre le traquenard, on doit éviter, autant qu’il est possible, de le toucher avec les mains nues ; on se sert donc de gants