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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/672

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ment desséché, on la laisse encore pendant quelque temps dans un endroit à l’abri des injures de l’air, dans un grenier par exemple, étendue sur des planches afin qu’elle perde l’humidité surabondante qui lui reste de son eau de végétation. Après qu’elle est reconnue pour être sèche, elle est nettoyée des immondices qui l’environnent. On coupe avec des ciseaux le reste de ses tiges & très-près de l’œil ; je dis couper & non arracher, parce que l’arrachement est dans le cas d’écorcher l’œil en tout ou en partie. Les fleuristes ont encore grand soin de supprimer les débris de l’ancienne griffe qui occupent ordinairement son milieu dans la partie inférieure. Enfin, ainsi préparée & nettoyée, elle est fermée dans des boîtes & tenue au sec ; car si elle contracte une certaine proportion d’humidité, elle germe ; on peut au contraire la conserver pendant plusieurs années très-saine, & très-bonne à planter si on a pris les précautions qu’on vient d’indiquer. Voilà donc la griffe dépouillée de toute humidité superflue, il ne lui reste plus que son eau principe, qui est entrée dans sa composition, & qui la maintient telle, ainsi que tous les autres corps.

Supposons actuellement que le sol qui doit la recevoir soit peu humide, que la saison soit chaude, je dis que l’on fera très-bien de la faire tremper pendant vingt-quatre heures. Elle s’imbibera d’eau, tous ses doigts se gonfleront, elle attirera de cette eau toute l’humidité qu’elle auroit puisée dans la terre jusqu’au moment de sa germination ; (j’en ai vu germer en très-peu de temps dans l’eau par un temps chaud) tandis que simplement confiée à la terre, il lui auroit fallu un certain nombre de jours pour parvenir au point de gonflement, & avoisiner l’instant de la végétation.

Les sectateurs du parti opposé disent qu’il vaut beaucoup mieux arroser la griffe dès qu’elle est plantée dans le sol dont il est question. On leur répond que si la mouillure est légère, il faudra plusieurs jours avant que l’eau ait pénétré jusqu’à la griffe, & c’est un temps perdu ; si la mouillure est forte, on craint l’effet des gelées assez ordinaires en février ou en mars, suivant le climat ; une terre humide ou mouillée en reçoit bien plus fortement les fâcheuses impressions. D’ailleurs une forte mouillure tasse trop la terre, & les jeunes racines n’ont plus autant de facilité à la pénétrer, que lorsqu’elle reste long-temps soulevée.

Si le sol est humide, si la saison est peu chaude, & à la pluie, il est clair que l’infusion de la griffe dans l’eau lui devient très-nuisible. À l’époque de la germination, elle n’a besoin que d’une certaine quantité d’eau, le trop & trop long-temps continuée la fait pourrir, à moins que la chaleur n’accélère le développement des feuilles. Lorsque la griffe est en lait, c’est son moment critique. Concluons ; c’est donc aux circonstances à déterminer si on doit ou si on ne doit pas mettre tremper les griffes. J’aime mieux (toutes circonstances égales) tenir ma terre à couvert, afin de la préserver de la grande humidité ; l’employer légèrement humide, mettre tremper mes griffes, planter, comme il a été dit, & arroser ensuite peu à la fois, & autant que le besoin l’exigera, & ce besoin est subordonné à la saison.

Dans quelle eau doit-on mettre