Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/706

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l’eau ne manque point & qu’elle ne s’échappe pas par quelques lézardes, & qu’au contraire elle y séjourne continuellement à la même hauteur. C’est pourquoi on en remet tous les jours de nouvelle qui remplace celle que la terre, l’évaporation & le ris consomment.

VI. Du tems de la récolte. Dès que le ris a acquis sa maturité parfaite, ce qui arrive ordinairement dans le mois d’août, & ce que l’on connoît à la couleur jaune de sa paille, on le coupe, après avoir toutefois fait dessécher la rizière pour donner au ris le temps de se dépouiller de son humidité naturelle. Quant à la façon ordinaire de le moissonner, elle est la même que celle des autres grains, avec cette différence que dans certains cantons on coupe la paille aussi près de l’épi que faire se peut. Il suffit qu’on puisse les lier en petites gerbes, & elles donnent moins de peine à battre quand il s’agit d’en séparer le grain. On conserve le ris dans les greniers comme le blé, pourvu que l’on ait soin de le faire sécher avant de le renfermer & de le remuer de temps en temps jusqu’à la moitié de l’hiver, & proportion du plus au moins qu’on connoîtra qu’il est nécessaire. Lorsque le grain est bien sec on le porte au moulin en tout semblable aux moulins à blés, à l’exception que la meule d’en bas est couverte de liège par-dedans, c’est-à-dire entre les deux meules, afin qu’elles n’écrasent point les grains ; & pour cet effet on hausse un peut celle de dessus, jusqu’à ce qu’il y ait le vide nécessaire pour que le ris puisse bien se moudre.

VII. Des avantages que le sol retire d’avoir été converti en Rizière. Dans plusieurs endroits un champ n’est semé en ris que de deux en deux ans. Que de peines perdues, que de dépenses inutiles pour la construction des petits bâtardaux. Il vaut bien mieux semer pendant deux ou trois années de suite. L’eau de riviere, purement comme eau, a porté sur le sol bien peu d’amendement ; mais cette eau a empêché l’évaporation des principes contenus dans le sol ; elle a attiré à elle les émanations de l’air ; une multitude d’insectes a pris naissance dans son sein, & y a laissé ses dépouilles ; les plantes non aquatiques s’y sont pourries, & de toutes ces décompositions le sol s’est enrichi ; mais que les habitans des environs des rizières paient bien chers les avantages d’une telle récolte !

M. Hall est du sentiment que les rizières établies dans des endroits naturellement marécageux, nuiroient moins, vicieroient moins l’air que ces marécages, parce que, dit-il, le ris absorbe en végétant l’air méphitique. Ce raisonnement n’est que captieux, il faudroit commencer par prouver que la végétation du ris absorbe tout l’air méphitique (consultez ce mot), & la chose est impossible. Cette vérité a été si bien reconnue, qu’il est défendu en Espagne d’établir des rizières à une lieue de distance des villes. On n’y compte donc pour rien les bourgs & les villages ? Il est de fait que dans les pays de l’Europe où l’on cultive le ris, les fièvres tierces y sont presques continuelles &. détruisent les habitans. On en a fait la triste expérience dans le Forès, dans le Languedoc, &c. lorsqu’on a voulu y introduire la culture du ris. Si l’observateur se transporte dans le Piémont, il jugera des maux que cette culture traîne après elle par les visages