le Journal d’Agriculture du mois de février 1772. Le Mémoire est de M. de Reine, habitant de l’isle de France.
On cultive à Madagascar, dans le Bengale & à la Chine, cinq espèces de ris, dont les trois premières croissent le pied dans l’eau & les autres sans eau. Le gros ris blanc, le ris rouge & le petit ris sont les trois premières espèces. On les a naturalisées en Piémont ; on en avoit fait des plantations en Auvergne sous le ministère du cardinal de Fleury ; elles avoient réussi, mais comme elles infectoient l’air & causoient des épidémies, elles furent détruites par ordre du gouvernement.
Le ris sec n’exhale point de vapeurs pestilentielles, il est d’un meilleur goût que le ris aquatique ; il est moins gluant, s’enfle plus à la cuisine, & a un léger goût de noisette, qui fait qu’on le mange avec plaisir, sans qu’il soit même assaisonné.
Les deux espèces de ris sec sont le ris long & le ris rond. Celui que M. de Reine a reçu & qu’il distribue, est le ris long. Il rapporte beaucoup, mais il a une pellicule rouge qui le rend plus difficile à blanchir au pilon ; cette pellicule ne lui donne aucun mauvais goût… Le ris rond paroît préférable au ris long, parce qu’il vient bien sur les hauteurs, & sous une température plus froide. Il est plus aisé à piler, mais il s’égraine facilement. Il faut se hâter de le couper lorsqu’il est mûr, sans quoi on en perd beaucoup, surtout s’il fait du vent.
Le ris sec est celui qui réussit le mieux tous la zone torride dans les terres nouvellement défrichées. M. de Reine étant à l’isle de France, en tira de Mangalor, côte du Malabar, environ quatre onces. Il le planta & le replanta, la troisième année il récolta trente deux milliers pesant. Cette multiplication est prodigieuse. Dans ces climats brûlans, on ne doit planter ce ris sur les terres défrichées, que sur la fin de la saison des pluies ; mais on le plante avant cette saison dans les terres qui ont porté plusieurs récoltes. Quoique le ris sec ne demande pas d’être dans l’eau, il lui faut pourtant un terrain qui ait une certaine fraîcheur.
Comme la végétation est rapide dans les climats brûlans, dit M. de Reine, j’ai éprouvé que le ris ne restoit en terre que 30 à 40 jours.
Pour que mon ris levât également, je le plantois avant les pluies qui arrivent vers novembre & décembre.
Je présume qu’on pourroit en France le planter de bonne heure dans des endroits à l’abri du froid, pour le transplanter en pleine terre quand le temps des gelées seroit passé, ou le semer sur couche & sous châssis. Ce seroit le moyen de pouvoir récolter au mois d’août. En Europe un bon terrain exposé au midi, & qui seroit un peu en pente, conviendroit le mieux au ris sec. Il occupe la terre de quatre mois à quatre mois & demi à l’isle de France ; dans l’Inde, il mûrit plutôt.
On dit qu’il faut planter le ris parce que c’est la seule manière de le cultiver dans les colonies. Il seroit très-difficile de faire autrement en Europe, vu qu’il est nécessaire que les touffes de ris soient à 15 ou 18 pouces de distance les unes des autres. Si on le plantoit plus près, comme il talle beaucoup, les jeunes plantes s’étoufferoient.