Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/739

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résidu pulvérulent, ou cette rouille, d’abord blanchâtre, & ensuite colorée par le soleil. Il me paroît que l’on peut conclure 1°. que la rosée & la matière des sécrétions des plantes, concourent également & en même temps à la formation de la rouille ; 2°. que dans le point où l’évaporation a eu lieu, le résidu y est devenu caustique ; 3°. que sa causticité y cause un espèce de chancre local, & que ce chancre s’étend & se prolonge, jusqu’à ce qu’une pluie salutaire dissolve & entraîne cette substance âcre & mordante, dont on ne peut mieux comparer les effets qu’à ceux de la pierre à cautère sur le corps humain.

Si les feuilles des blés sont attaquées de rouille, & assez fortement avant que la plante ait poussé ses tiges, on peut prévenir les suites fâcheuses de cette maladie en fauchant l’herbe, & il en repousse de nouvelle ; si les tiges sont rouillées on aura une mauvaise récolte, à moins qu’aussitôt que la rouille est formée, il ne survienne une forte pluie. Plusieurs auteurs ont conseillé avec raison, & je l’ai éprouvé plusieurs fois dans ces tems bas, que l’habitude d’observer dans la campagne fait facilement reconnoître, & qu’on pourroit appeller des jours de rouille, j’ai éprouvé, dis-je, que deux hommes, avant le soleil levé, tenant chacun d’une main une longue corde, & la promenant dans toute la longueur du champ sur le blé en herbe ou en tiges, cette opération produisoit un excellent effet. Ce léger mouvement faisoit retomber les gouttelettes sur le sol, & lorsque le soleil paroissoit, il ne causoit plus aucun dégât ; ceci paroîtra peut-être ridicule à beaucoup de lecteurs ; ils diront, comment parcourir tous les champs d’une métairie &c. ; mais si l’on met en compensation le produit d’une bonne récolte ou d’une récolte nulle, je leur demande à mon tour, de quel côté sera l’avantege. Je suppose que trois ou cinq hommes, tiennent chacun une corde de soixante pieds de longueur, & qu’ils marchent de front d’un bout du champ à l’autre, ils parcourront ensemble un espace de 300 pieds, & pour peu qu’ils marchent vite, ils auront fait plus d’un quart de lieue en un quart-d’heure ; le pis aller sera d’avoir fait une opération nulle, si les circonstances, après le soleil levé, ne concourent pas à la formation de la rouille ; la dépense aura été du moins bien peu considérable.

La rouille se manifeste presque toujours aux époques où la saison ranime la végétation des blés, où bien quand elles sont dans leur plus grande force de végétation ; c’est alors le moment de leur plus abondantes sécrétions par la transpiration, parce que la sève monte rapidement & avec force jusqu’à leurs dernières extrémités. Elles sont donc alors plus remplies d’eau de la sève, & leurs parties plus abreuvées, plus ramollies ; il n’est donc pas surprenant qu’à cette époque l’action du soleil, réunie à celle du caustique laissé par l’évaporation de la rosée, produise un effet visible & dangereux.

Plusieurs auteurs ont pensé que la poussière de la rouille n’étoit qu’un amas d’œufs d’insectes, & qu’ils produisoient des vers ; cette erreur ne mérite pas la peine d’être combattue ; & quand il seroit prouvé que l’on eût vu des vers dans les plaques de rouille, il faudroit commencer par démontrer que cette poussière est