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Le chanvre rend un esprit recteur ou gaz aromatique ; à l’odorat, il est nauséabond, âcre, & amer au goût.

Ceux qui sont accoutumés à étudier les plantes, & à les classer par leurs propriétés, par leurs caractères tirés du goût & de l’odeur, ainsi que ceux qui les rangent, d’après leur port, ou facies propria, comprendront bien que cette plante est abondante en principe huileux essentiel, c’est-à-dire qu’elle contient de la résine, lorsqu’elle est sèche ; on s’aperçoit également de ce principe, lorsqu’on la brûle sèche. Son squelette, sa chenevotte, même lavée & teillée, fournit la même odeur.

L’eau est-elle le dissolvant du gluten de cette plante ? Il faut se rappeler que l’eau simplement gommée, dissout une assez grande quantité de résine. La dissolution s’exécute bien mieux encore, si ces deux substances ont été mêlées par la nature. C’est ainsi que l’eau dissout l’opium, & plusieurs autres substances qui contiennent seulement une plus grande quantité de gomme que de résine, ou le savon végétal.

Pour savoir donc exactement si l’écorce de la plante à chanvre est gommeuse, ou résineuse, & dans quelles proportions ces principes s’y trouvent, il ne faut pas appliquer l’eau la première, mais les véhicules spiritueux, qui, seuls ou chargés de résine, ne peuvent dissoudre la gomme.

Pour cet effet, j’ai rassemblé avec soin une livre d’écorce de chanvre mûr, sans être roui ; l’ayant bien fait sécher dans un four, & maintenu comprimé pour que dans la suite il occupât moins de volume. J’ai mis ce chanvre en digestion avec de l’esprit de vin, lequel a pris une couleur jaunâtre assez foncée ; filtré & évaporé, il a resté une résine brune qui pesoit quatre gros dix-huit grains. Toutes les écorces donnent de la résine lorsqu’on les traite ainsi[1]. Les herbes les plus tendres donnent une teinture verte dans l’esprit de vin, & cette substance verte est le dernier résultat du passage de la lumière à l’état de phlogistique.

J’ai procédé ensuite pour retirer la partie gommeuse de la livre d’écorce qui avoit donné sa résine dans l’esprit de vin ; après l’avoir fait sécher, je l’ai étendue & fait macérer à froid pendant trois jours dans assez d’eau pour l’en couvrir. Cette eau, ensuite évaporée avec soin, afin d’éviter de rien brûler, j’ai obtenu une substance gommeuse du poids de trois onces trois gros & demi, qui n’étoit pas bien desséchée, & qui colloit comme un mucilage.

La proportion de la résine à la gomme, est, comme on le voit, bien considérable dans cette substance, dont on croyoit le gluten uniquement gommeux, ce que M. Home avoit déjà bien apperçu dans le

  1. La seconde écorce de l’orme, traitée de même, a donné bien moins de résine ; elle fournit par la décoction avec l’eau, un mucilage gommeux très-abondant. La tisane, de cette écorce, se digère cependant mieux que des dissolutions purement gommeuses. N’est-ce pas à sa résine qu’est due la facilité avec laquelle les estomacs froids & débiles, peuvent la digérer.