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La vraie théorie du rouissage doit donc être l’éthyologie, ou la relation raisonnée des effets produits par les moyens d’enlever cette colle, de l’isoler de la partie fibreuse de l’écorce, en conservant à chaque fibrille constituant les faisceaux & les couches, toute la force & l’élasticité, & les autres perfections ou qualités que la nature lui a données. La perfection du rouissage seroit même de lui en faire acquérir ; de la tanner, si on peut s’exprimer ainsi, sans nuire à sa force de cohésion, à sa flexibilité, à son éclat & à sa finesse.

Il a donc fallu premièrement chercher le menstrue qui fût le meilleur dissolvant du gluten, sans l’âtre de la fibre, afin de le lui appliquer convenablement. D’après cette manière de considérer le rouissage, il convient de le comparer avec les manœuvres employées à l’enlèvement du suin des laines, au décruage de la soie, au dégraissage du coton ; avec cette différence, que dans ces deux substances, chaque fibre est déja séparée de la fibre sa voisine ; que la fibre ou le brin est seulement verni par le gluten qu’il s’agit de lui enlever.

On sent bien que pour la préparation du chanvre, il faut choisir le dissolvant, non le meilleur, mais le plus commode & le moins dispendieux. Si dans ce Mémoire, je m’écarte quelquefois de ce but principal, ce n’est que pour mieux appuyer la théorie désirée. L’on peut s’en relâcher, lorsque l’on travaille sur des matières précieuses, comme la soie, ou lorsqu’on désire de donner au chanvre, pour certains emplois, une qualité qui le sorte de toute parité avec son usage ordinaire.

Ces observations nécessitent l’examen de cette question. Quel est ce gluten ? quel en est le meilleur dissolvant ? L’opinion a dit, c’est de la gomme ; & l’usage a établi l’eau, comme son meilleur dissolvant. L’on a seulement varie sur les différentes qualités de l’eau à employer. Ces assertions sont-elles démontrées ? c’est ce qu’il faut examiner.

Le suc que l’on obtient des végétaux, soit de leur écorce fraîche, soit de toutes autres parties parenchymateuses, par infusion, macération ou décoction, au moyen de l’eau, est nommé Extrait.

Ces extraits sont différens, selon la plante, ou la partie de la plante que l’on examine ; ce qui se réduit cependant à ces trois genres, la gomme, la résine, la gomme-résine (consultez ces mots), qui semble être un mélange intime ou exact des deux premières. Le plus souvent ces trois principes sont mélangés entre eux en proportions variables, & forment une substance savonneuse.

Quel est le principe existant dans l’écorce du chanvre ? c’est ce qu’on n’a point encore examiné, ou du moins je n’ai trouvé aucune notion exacte sur ce sujet. En maniant seulement cette plante fraîche, près de sa maturité, on voit aisément qu’elle est gommeuse, poisseuse, sur-tout dans la partie supérieure, qui est toujours moins sèche, parce qu’elle est ombragée de feuilles. Mais combien n’existe-t-il pas de végétaux qui fournissent des sucs dont l’apparence est gommeuse, & qui malgré cela sont trouvés résineux, lorsqu’ils sont desséchés, c’est-à-dire, dont l’eau ne fait qu’une dissolution imparfaite ?