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dans chaque pays, que la récolte & le cuvage du vin. Chacun le fait durer à sa fantaisie, & l’on se règle souvent selon l’usage du pays & l’emploi auquel le chanvre est destiné. Il est cependant, pour l’ordinaire, de quatre à cinq jours en juillet, de cinq à huit en septembre, & de neuf à quinze en octobre, lorsqu’on a eu le tort d’attendre jusqu’à cette époque.

Le terme & le signe de la perfection du rouissage sont, lorsque l’écorce quitte sa chenevotte d’un bout à l’autre, & que la moelle est disparue. On n’est pas d’accord sur la quantité de divisions ou rubans différens que fait le plus souvent l’écorce lorsqu’on la sépare. Les uns en veulent deux, les autres trois. Plusieurs essais m’ont convaincu que le meilleur nombre étoit de deux. Toutes ces observations de détail ne sont pas aussi importantes les unes que les autres ; cependant il n’est pas équivoque que le rouissage à l’eau varie suivant la qualité de l’eau, la chaleur de la saison, ainsi que par le point de maturité de la plante, & par la culture qu’on lui a donnée. C’est en raison de ces alternatives que l’on a plus ou moins étudiées, qu’est dû le bon ou le défectueux rouissage ; toutes les règles générales leur sont subordonnées,

Les mauvais rouis diminuent la récolte d’un sixième, & souvent d’un quart ; ce qui reste est foible ou usé, il tombe en étoupes sous le peigne, & si le chanvre n’étoit pas assez roui, ce reste seroit dur. On corrige un peu ce dernier défaut. Mais l’autre est irréparable. On met au pré & à la rosée les tiges qui ne sont pas assez rouies ; il seroit même possible de les remettre à l’eau, si l’embarras d’un séchage nouveau, & l’appréhension des pluie n’y mettoient de grands obstacles.

Le nombre des javelles que l’on range les unes sur les autres dans le routoir ou à la rivière, dépend de sa profondeur, & leurs dispositions doivent être ainsi que nous l’avons dit dans la première partie. Les plus courtes doivent être placées au dessus, afin que la masse forme, un talus qui se soutienne mieux. Cette forme est cependant indifférente, lorsque, à raison de la rapidité du courant, les piquets ont été multipliés, les perches fortement liées de distance en distance, & multipliées sur la superficie, ainsi que le chargement avec des pierres.

Les tiges les plus difficiles à rouir seront placées dans le milieu, puisque c’est-là que s’établit la plus forte fermentation, & que se prépare la meilleure filasse, comme aussi elle s’y détériore plus vite, si le rouissage est mal-à-propos trop prolongé : le rang supérieur est ensuite plus estimé.

Lorsque l’on redoute peu les crues subites de l’eau, la rapidité des rivières ou des ruisseaux, il est très-avantageux, pour diminuer l’infection, de ne pas intercepter le cours de l’eau. On doit encore laisser un espace tout autour du tas, afin que dans le cas d’un dérangement imprévu dans la masse, les hommes qui se mettent à l’eau puissent remédier à l’accident. Enfin, on doit préférer l’emplacement qui offre après le rouissage, la liberté de laver les javelles à grande eau courante. Les filasses de ces chanvres seront plus faciles à travailler, & fourniront moins de cette poussière âcre & irritante, qui est si nuisible aux ouvriers dans les moulins de battage, & lorsque la filasse est travaillée sous le peigne du séranceur.