Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/768

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’est ici où la loi peut & doit être modifiée.

La loi prescrit de planter les arbres au-delà des fossés dans les champs riverains. La coutume, dans certaines provinces, dit que ce doit être à six pieds dans le champ & au-delà du fossé, & dans d’autres provinces, on exige que ce soit à neuf pieds du bord du fossé. La confection du chemin, l’usurpation du sol, ont été à la charge du riverain, & la plantation va équivaloir à un nouvel impôt mis sur son champ. Une bordure d’arbres plantés à six ou neuf pieds de distance du fossé, enlève au champ douze ou dix-huit pieds de terre labourable. En effet, pour peu que l’on connoisse les travaux de la campagne, on verra tout de suite qu’il n’est pas possible de croiser les labours, & de faire tourner la charrue autour des arbres, sans égratigner la terre dans toute la circonférence. Si les arbres sont jeunes, les racines seront coiffées, mâchées, mutilées, & l’arbre languira s’il n’en meurt pas ; s’il est assez vigoureux pour résister à cette première attaque, s’il produit de nouvelles racines, elles éprouveront bientôt le même sort que les premières, & il est impossible que l’arbre prospère ; mais admettons qu’il réussisse à souhait, & que la lisière du champ soit plantée en ormeaux, (consultez ce mot) à coup sûr leur ombre, & leurs racines sur-tout, dévoreront la substance des blés ; je ne dis pas à douze ou à dix-huit pieds, mais jusqu’à quarante pieds des bords du fossé. Il suffit d’avoir des yeux pour se convaincre de ce point de fait, & d’examiner près de la capitale les moissons des champs qui avoisinent les routes. Quelque prix que l’on suppose à cet arbre, il ne compensera jamais celui du mal qu’il fait. Si on lui substitue le noyer, on aura, il est vrai, une récolte de noix ; mais cette récolte n’équivaudra jamais à celle du blé, qu’il rend nulle par-tout où porte son ombre. Le mûrier seroit donc à préférer, si ses racines ne s’étendoient pas dans les champs à plus de 50 pieds en traçant entre deux terres, & ne nuisoient autant aux moissons, aux treffles & aux luzernes, que celles de l’ormeau. Disons-mieux, les treffles & la luzerne font nécessairement périr les arbres, lorsque leurs racines pivotantes peuvent prendre le dessus sur celles des arbres. Il existe cependant un seul & unique moyen de prévenir que les racines des arbres ne soient aussi nuisibles ; c’est de ne planter que les arbres auxquels on aura conservé leur pivot ; alors ce pivot (consultez ce mot), tendra sans cesse à s’enfoncer en terre ; tant qu’il en aura le pouvoir, il fournira peu de racines horisontales. Mais où trouver de pareils arbres ? dans aucune pépinière.

Le marchand d’arbres sème les graines ; après la première ou la seconde année au plus tard, il enlève les jeunes plants de la bâtardière, & sa première opération est d’en couper le pivot. Il les replante aussitôt en pépinière, ils donnent de nouvelles racines, & du second ordre ; mais comme ils y sont plantés à 18 pouces de distance, il n’est pas possible de les en tirer sans couper ces racines du second ordre, qui tendoient à pivoter ; enfin l’arbre est, non pas