Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/769

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tiré, mais arraché de terre avec des racines mutilées & longues de chaque côte de 8 à 9 pouces, parce qu’on ne veut pas perdre les quatre arbres qui avoisinoient celui que l’on a choisi. Il faut donc que ce chétif empatement de racines mutilées nourrisse un arbre de dix pieds de tige & de sept pouces de circonférence à sa baie. On est étonné ensuite qu’une très-grande quantité d’arbres ne reprenne pas. On doit l’être bien davantage du succès de quelques-uns.

Ces racines mutilées du second ordre en produiront de nouvelles, & d’un troisième ordre, c’est à-dire des racines traçantes, & qui, dans aucun cas, ne pourront pivoter. Voilà la véritable source du mal, & l’origine des dégâts que font les racines dans les champs. Si l’arbre avoit son pivot, il n’y auroit que demi-mal ; & quand même le pépiniériste le fourniroit tel, le cultivateur le supprimeroit, tant il est subjugué par l’empire de l’habitude : l’ignorant pense en savoir plus que la nature, & son savoir est de contrarier toutes ses opérations.

Tant que l’on a eu en France la sottise de regarder l’année de jachère (consultez ce mot), ou de repos, comme une loi fondamentale de l’agriculture, les arbres de lisières sur les chemins ont passablement réussi ; mais aujourd’hui que l’on sent les avantages inappréciables d’alterner, (consultez ce mot) les productions de ses champs, il faut y renoncer, ou du moins sacrifier 12 à 18 pieds sur les bords : ce sacrifice équivaut a un impôt très lourd. Il est impossible d’alterner avec la luzerne, ou avec le grand treffle, sans les sacrifier, ou sans sacrifier les arbres. Tous les champs qui avoisinent les chemins, ne sont pas semés en grains. Dans beaucoup de nos provinces, on ne cultive que la vigne. Comment donc supposer que l’on plantera des ormeaux, des noyers, &c. dans des vignes ? se seroit une opération qui attireroit les railleries de tous les passans. Dans ce cas, il faut donc ou que la loi soit muette, eu que la loi trouve un autre expédient pour boiser les routes. Si les grands voyers, conformément à l’arrêt de 1720, se servent du droit qui leur est attribué ; s’ils plantent pour leur compte sur le champ d’un particulier, il faudroit que l’arbre fût de fer pour resister aux attaques lourdes qu’il aura à soutenir. Près de la capitale, les surveillans, les gardes-chasse & les gardes-bois, sont multipliés à l’excès. Il n’en est pas ainsi dans les provinces ; le grand voyer y multiplieroit chaque année les plantations, tellement en pure perte, qu’il se dégoûteroit bientôt d’accumuler dépense sur dépense, sans jamais en retirer une obole.

Ainsi la loi pèche par ses principes & par ses moyens : 1°. on ne trouve pas dans les provinces à acheter la quantité & la qualité d’arbres nécessaires pour boiser-les routes ; 2°. si on les trouve, la dépense excède les facultés de la plupart des propriétaires ; 3°. les propriétaires souffriront avec peine que des arbres plantés sur les bords de leurs champs, nuisent à leurs récoltes ; 4°. le droit des grands voyers, dont il est question dans les arrêts, est odieux en lui-même, & rendu nul par le fait, au moins pour plus des trois quarts du royaume. Examinons actuelle-