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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/150

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» Au reste, le traitement des maladies des arbres est semblable en grande partie à celui des maladies des hommes ; car, comme l’on perce les os cariés des hommes avec une tarière, de même aussi perce-t-on ceux des arbres, ou, ce qui revient au même, on perce leur partie la plus dure. Ainsi on adoucit un amendier amer, si, après avoir bêché la terre tout-à-l’entour, on le perce vers le pied, & qu’on essuyé bien l’humeur qui en sortira.

» De même lorsqu’un orme est vieux, ou qu’on voit qu’il prend trop de nourriture, on le décharge de son humeur superflue, en le perçant à fleur de terre jusqu’à la moelle,[1] Lorsque des arbres fruitiers bourgeonnent, sans porter du fruit, on les rend fertiles en fendant leurs racines & insérant une pierre dans la fente. On évacue pareillement le suc trop abondant qui gonfle l’écorce des figuiers, en y faisant de légères incisions obliques, & par ce moyen on empêche que les figues ne tombent. On fend même les amandiers pour les rendre fertiles ; nuis on met dans la fente de ceux-ci un coin de chêne rouge, qu’on y fait entrer de force. Les coins que l’on met dans les poiriers & les cormiers sont de bois de teda ou torche-pin, & on rechausse tous ces arbres avec de la terre mêlée de cendres. Quand une vigne ou un figuier poussent une trop grande quantité de bois, il faut sacrifier les racines même tout à l’entour, & mettre de la cendre sur les incisions.[2] »

M. Roger de Schabol, dans son ouvrage intitulé Théorie du jardinage, s’exprime ainsi : Scarification, terme de chirurgie, par nous adapté au jardinage. Cette opération est pour les arbres la même que pour les humains. Un arbre pousse à outrance, il fleurit toujours & ne porte jamais ; scarifiez-le & lui laissez tout son bois durant une année, sans le tailler nullement ; à coup sûr il rapportera la même année de l’opération.[3]

    reprendra sa vigueur, les fibres du bois se rétabliront, & on supprimera l’emplâtre. Lorsque l’on a fait les incisions dont parle Pline, on oblige la séve à se porter pendant long-temps & à circuler dans la partie opposée à la scarification, & la partie scarifiée, quoique recouverte par la nouvelle écorce, ne prend jamais la même rondeur que l’autre ; la cicatrice paroît à perpétuité.

  1. J’ai fait cette expérience sur un amandier, elle n’a pas réussi ; l’arbre manqua à périr par la quantité de gomme qui suinta & se rassembla autour de la plaie. Y auroit-il une saison propre à la réussite de cette opération, ou bien tiendroit-elle au climat ? Je ne crois ni l’un, ni l’autre… Si l’orme est vieux, pourquoi accélérer son dépérissement ; s’il est plein de séve, n’existe-t-il pas d’autres moyens plus simples & moins meurtriers pour la modérer : c’est ce qu’on examinera dans une autre note.
  2. Toutes ces pratiques & plusieurs autres semblables, que je passe sous silence, prouvent tout au plus que du temps de Théophraste, de Columelle, de Pline, &c., les connoissances sur la physique des arbres n’étoient pas encore bien étendues.
  3. Personne ne respecte plus que moi les décisions de ce grand-homme ; c’est à ses écrits que l’on doit la révolution heureuse qui commence à s’opérer dans la taille des arbres ; ce n’est pas par défaut de lumières qu’il a été entraîné à prescrire une semblable opération, mais bien plutôt par l’habitude d’un ancien préjugé.