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saison & leurs occupations le permettent de faire passer la charrue, deux fois dans le même sillon. Il y aura une plus grande masse de terre soulevée & soumise à l’action de la gelée. Tous les labours faits après l’hiver seront plus faciles & plus utiles. Ces observations sont encore très-intéressantes pour les propriétaires de terrains à craie ou à argile. Un hiver un peu fort travaillera plus dans une saison que toutes leurs charrues réunies ne le feront en deux ou trois ans. Mais, dira-t-on, c’est ramener la terre crue sur la surface ; cela est vrai, & elle cesse d’être telle, si, labourée plusieurs fois pendant l’année de jachère, elle est mêlée intimement avec l’ancienne de la superficie ; elle aura eu le temps d’être décruée, si je puis m’exprimer ainsi, & par le froid, & par l’action du soleil, & par celle de tous les météores. J’en ai la preuve la plus certaine. Si, aussitôt après l’hiver, cette terre est semée en herbe quelconque, & que cette herbe soit enfouie à l’époque convenable, on trouvera alors qu’une grande partie est retenue, soulevée par des racines. Au reste, que le cultivateur en fasse l’expérience, elle deviendra pour lui une démonstration. Je ne saurois trop dire & trop répéter, 1°. que l’année de jachère est l’abus le plus criant introduit en agriculture ; 2°. que sa suppression rendra au propriétaire au moins un grand tiers en sus du produit annuel ; 3°. que les forts labours faits avant l’hiver, sont les meilleurs les plus avantageux.

Il n’existe peut-être aucune partie de l’agriculture qui ne soit accompagnée d’un abus. L’homme veut toujours en savoir plus que la nature, & il pense la maîtriser en la contrariant. Il s’agit des méteils ou mélange par parties égales, ou par tiers, ou par quart de grains de froment & de seigle. Dans quelques cantons du royaume que ce soit, si les circonstances sont égales, la récolte du seigle devance de beaucoup celle des fromens. Or, dans l’intervalle de la maturité de l’un à l’autre, qui ne voit que le moindre coup de vent fait égrainer le seigle, qu’il égraine à outrance lorsque l’on moissonne le tout. Si on en doute, il suffit, deux mois après, de jeter les yeux sur le même champ, & l’on verra qu’il est couvert de jeunes plantes de seigle. Il le seroit bien plus, si les fourmis, si les oiseaux n’avoient pas enlevé la majeure partie du grain tombe. Cependant c’est le meilleur grain, car il ne reste sur l’épi que les grains du haut ; c’est-à-dire les derniers murs & les plus petits. Supposons une nouvelle plante graminée, dont la semence fût nutritive, & dont la maturité fût quinze jours après celle du froment ; je demande quel seroit le cultivateur assez stupide pour faire le mélange des deux semences ? — Cependant le seigle & le froment établissent la même parité. — Je conviens que le seigle égraine plus difficilement, qu’il exige sur l’aire plus de coups de fléau pour en séparer tout le grain. Mais on n’a pas fait attention que le grain, depuis le bas de l’épi, s’égraine sans peine, & que la difficulté consiste a séparer de sa balle celui du haut, parce qu’il est plus petit, moins poussé, moins mûri & par conséquent plus enchâssé que celui d’en bas. Telle est la solution de la difficulté. ;

Si on alterne les champs, si on