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a été pratiquée dans les temps les plus reculés ; elle est plus ancienne qu’tHippocrate ; Etienne de Bizance nous en a transmis le premier exemple, & la fait remonter à l’époque de la guerre de Troie, qui eut lieu sept cents ans avant le père de la médecine.

C’est lui qui nous apprend que Podalyre, en revenant de cette guerre, fut jeté sur les côtes de Cane, où il guérit Syrna., fille du roi Damœthus, tombée du haut d’une maison, en la saignant des deux bras, & qu’elle l’épousa en reconnoissance.

Il ne paroit pas que Galien ait connu ce trait d’histoire, puisqu’il attribue l’origine de la saignée à la guérison qu’une chèvre fort sujette à l’inflammation de l’œil, obtint d’une blessure faite par une branche d’arbre qui lui fit répandre beaucoup de sang. Pline le naturaliste diffère peu du sentiment de Galien, en la rapportant à l’instinct du cheval marin, qui se frotte les jambes contre les pointes des roseaux & des joncs du fleuve du Nil, pour désemplir suffisamment ses vaisseaux, lorsqu’il est trop plein de sang, & va ensuite se vautrer, dans le limon pour en boucher les ouvertures.

Mais il est plus naturel de croire que de tous les temps il y a eu des hommes qui ont observé les efforts & les crises salutaires de la nature, & qui ont cru avec juste raison pouvoir l’imiter dans sa marche & ses opérations. D’après cela ils ont senti & connu la nécessité & la possibilité de prévenir ou de combattre une inflammation, en diminuant la masse générale du sang, ou en pratiquant l’ouverture d’un vaisseau sur un organe affecté.

Rarement on ouvre les artères ; & quand on y est forcé, c’est toujours sur l’artère temporale qu’on fait cette opération, parce qu’on peut se rendre maître du sang en faisant une compression sur les os du crâne, qui fournissent un point d’appui.

Mais les veines qu’on peut ouvrir sont en très-grand nombre. Les modernes se sont bornés à ouvrir celles du cou, du bras & du pied, & ont mal à propos abandonné la pratique des anciens, qui recommandoient l’ouverture de la veine frontale dans les douleurs qui affectoient la partie postérieure de la tête, & celle de la veine temporale dans les douleurs aiguës & très-invétérées de la tête.

Ils faisoient encore ouvrir la veine angulaire qui est située dans l’angle interne de l’œil, dans les fortes ophtalmies ; la veine nazale, dans les diverses maladies cutanées du visage, & la veine ranule, ouranine, dans les différentes espèces d’esquinancie.

On sait que les instrumens dont on se sert ordinairement pour saigner, sont la ligature & la lancette ; nous ne parlerons point de quelle manière on doit ouvrir les veines & les artères. Nous nous contenterons d’indiquer seulement les différens cas où la saignée est indiquée & contre-indiquée, & de la préférence qu’on doit donner, dans certaines circonstances, à la saignée du bras sur celles du cou & du pied.

La saignée convient en général dans la pléthore, les inflammations, tant internes qu’externes ; dans l’épaississement inflammatoire du sang, & sa raréfaction dans le délire phrénétique, dans les hémorragies qui ne dépendent point de la dissolution