Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/388

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leurs ce membre ne prospérera pas long-temps, puisqu’on lui a donné de bonne heure la direction qu’il auroit prise, si l’arbre avoit été livré à lui-même lorsqu’il seroit parvenu à sa décrépitude : toute branche au dessous de cinquante degrés, perd de sa force ; elle s’affoiblit beaucoup, comme je l’ai déja dit, soixante, vieillit à soixante-dix, devient caduque à quatre-vingt, & décrépit à quatre-vingt-dix.

D. Qu’arrive-t-il aux mères-branches & bourgeons que l’on palisse trop au-dessus de quarante-cinq degrés ?

R. L’arbre tenu en espalier, en éventail ou en buisson, (consultez ces mots) est dans un état forcé & éloigné de sa première loi de nature, puisque le même arbre, livré à lui-même, élève perpendiculairement son tronc, & presque perpendiculairement ses branches, tant qu’il est jeune. C’est donc une seconde loi de la nature qu’on lui fait contracter en le tenant en espalier, &c. Il faut donc contrarier la première loi, le moins qu’il est possible, en lui faisant parcourir le milieu de l’espace entre la perpendiculaire & l’horizontale. L’expérience de tous les temps, de tous les lieux, prouve que toute branche placée à l’angle de quarante-cinq degrés, pousse également ses bourgeons sur ses deux côtés ; que ces bourgeons devenant à leur tour des branches, pousseront également des deux côtes, de nouveaux bourgeons, si les premiers ont été palissés sur l’angle de quarante-cinq degrés ; que la force des uns & des autres sera pooportionnée entre eux ; enfin, que le membre ou mère-branche ne se dépouillera pas de ses rameaux inférieurs. Au contraire, si on fixe les membres & les branches & les bourgeons au-dessus de l’angle de quarante-cinq degrés, la sève de la mère-branche, des branches secondaires & des bourgeons, s’emporte à leur extrémité. Cette extrémité se charge tellement de bois gourmands, de jets vigoureux, qu’ils affament les bourgeons inférieurs, & ces bourgeons inférieurs périssent peu-à-peu d’épuisement. Enfin, l’arbre nain reprend ses premiers droits si on ne l’arrête & tend à devenir à plein vent. Le jardinier aura beau raccourcir ces branches & ces bourgeons, à la sève du mois d’août ou à la taille de l’hiver suivant, plus il les raccourcira, & plus ils pousseront de gourmands & de bois nouveaux. Le remède sera pire que le mal. Cependant c’est ce qui arrive tous les jours. Les jardiniers le voient, ils disent que l’arbre s’épuise en bois, & ils ne savent pas y remédier.

D. Il est facile de concevoir actuellement, comment & pourquoi on palisse les mères-branches à l’angle de quarante-cinq degrés ; mais comment trouver la direction du palissage des bourgeons sur cet angle ?

R. Nous avons à distinguer deux sortes de boutons & de bourgeons, relativement à la place qu’ils occupent sur une branche. Les uns poussent sur la partie supérieure & les autres sur la partie inférieure : on ne parle pas ici de ceux du devant ou du derrière de la branche, dont la suppression est décidée, à moins que leur conservation ne tienne à un besoin urgent, soit pour renouveler une vieille branche, soir pour garnir une grande place vuide. Dans ces deux cas, on donne de bonne heure la direction qui leur convient.