Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/432

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dans les dépôts, qui assure la fertilité du sol. Cependant, les récoltes absorberoient peu à peu celui de sa superficie, des pluies abondantes l’entraîneroient, & à la longue, cette superficie deviendroit infertile, si l’art & la prévoyance de l’homme n’y suppléaient par les engrais & par les labours.

Si on considère attentivement la petite quantité d’humus nécessaire à la charpente d’un chêne majestueux, l’expérience apprendra que soixante dix livres de bois de chêne bien sec, fournissent, par l’incinération, à peine une livre de cendre ; que si on lessive cette livre de cendre, pour en séparer la partie saline, à peine restera-t-il, en dernière analyse, une demi-livre de terre calcaire ; c’est donc à-peu-près un, contre cent-vingt du poids total. Le feu a dissipé l’eau, l’air, les parties huileuses, de manière que le résidu salin & terreux est peu de chose, & contribuoit d’un infiniment petit à la totalité du poids. En effet, le bois de gayac, un des plus durs que l’on connoisse, doit, à l’air fixe qu’il contient (consultez ce mot) le tiers de son poids. Plus un bois est dur, & plus il contient d’air fixe. Mais ce chêne majestueux dont il est question, rend chaque année à la terre, par la chute de ses feuilles, par la transpiration de ses racines, plus d’humus qu’il n’en a absorbé ; & si le sol n’en profite pas, c’est que les vents, les eaux pluviales l’entraînent à mesure que les feuilles se décomposent. C’est cet humus, cette terre calcaire, cette terre de débris de substances végétales & animales, qui donne la couleur noire à la couche supérieure du sol d’une prairie, d’une forêt, &c. ; sans leurs décompositions perpétuelles, la prairie cesseroit d’exister, les plantes mourroient affamées, ainsi que les arbres des forêts. D’ailleurs, il ne peut exister aucun végétal sans que la nature ne lui ait assigné à servir d’aliment à une ou à plusieurs espèces d’insectes & d’animaux ; ces insectes animalisent, si on peut le dire, la substance végétale qu’ils mangent, & la rendent doublement calcaire, c’est-à-dire, calcaire bien plus pure qu’elle ne l’auroit été sans cette nouvelle trituration ; d’où l’on doit conclure que si la terre s’épuise, c’est parce que les récoltes qu’on lui demande, absorbent coup-sur-coup l’humus, sans que l’industrie de l’homme le renouvelle. On a beau multiplier labour sur labour, on divise les molécules ; les labours mettent à nu l’humus, mais il n’en créent ni n’en remplacent pas un atome. Si au contraire on alterne, (consultez cet article important) on rend alors à la terre plus de principes qu’une récolte n’en absorbe. Le sol peut donc ensuite fournir une nouvelle récolte sans être épuisé.

Que des charlatans en agriculture décident, par la dégustation, que la terre de tel champ est propre à la production de tel végétal, c’est une effronterie dont plusieurs cultivateurs sont la dupe, & dans leur enthousiasme, ils admirent la prétendue science de l’imposteur ; l’homme qui réfléchit dira, c’est par les portions salines que l’impression est donnée au palais, & non par la terre, proprement dite, vitrifiable ou calcaire. Les sels sont solubles dans l’eau, mais les mucilages le sont également, & cependant le mucilage de gomme, par exemple, n’imprime sur