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le même ordre qu’auparavant, & surtout si le froid a été rigoureux, la terre ressemblera à celle d’un jardin, & il est impossible que le succès du trèfle ne soit pas ensuite complet. Si on n’a pas la facilité ou les moyens de faire passer la charrue deux fois dans le même sillon, il convient de multiplier les labours, afin que la terre soit rendue douce. S’il existe des parties réunies ou mottes, des femmes, des enfans les brisent avec la tête des pioches, ou avec des maillets de bois, après on passera & repassera sur le champ la herse, dont le derrière est armé de fagots d’épines, afin de niveler le sol exactement, & de détruire entièrement les mottes. Ces précautions sont indispensables avant de semer. Ce qu’on vient de dire sur les labours s’applique également à la culture à la bêche, (consultez ce mot) soit avant, soit après l’hiver. Elle s’enfonce à dix pouces de profondeur, & jamais le travail de la charrue n’égalera celui de la bêche, pour diviser & émietter la terre, si l’ouvrier s’en sert comme il convient.

Le bon choix de la graine est d’une nécessité absolue. Si elle est mauvaise ou défectueuse, on aura inutilement bien travaillé son champ ; au lieu de dix livres de graines que l’on sème communément par arpent, il convient d’en semer quinze de celle qu’on achète chez les marchands. Le cultivateur attentif ne laisse rien au hasard ; il choisit une pièce de terre dans son jardin, la sème en trèfle, la cultive avec soin, lui prodigue les engrais afin de perfectionner la graine. Au temps fixe de sa maturité, il coupe la plante, la laisse sécher, la bat, sépare les semences de leurs enveloppes, les conserve avec soin dans un lieu sec, jusqu’au moment de les répandre sur ses champs ; ses espérances alors ne sont pas trompées, & la beauté de sa tréflière le dédommage par la suite des petits embarras qu’une utile prévoyance lui a suscités.

Si le cultivateur ne peut pas cultiver la plante pour en obtenir des semences, qu’il parcoure les tréflières de son voisinage, & achète, à quelque prix que ce soit, celle du champ où la plante aura été la mieux nourrie ; celle de la seconde année de semis est à tout égard préférable à celle de la troisième, qui commence nécessairement à dégénérer, quand même le champ auroit été fumé, soit avec le plâtre, soit avec d’autres engrais. La plante est dans sa plus grande vigueur à la seconde année ; c’est aussi l’époque où la graine doit être cueillie.

Comme la semence du trefle est petite & menue, il convient, pour la semer, de la mêler, par parties égales avec du sable très-sec. Le bon semeur, dont la main est assurée, n’a pas besoin de cette précaution. Une tréflière semée trop épais ne rend pas autant que celles où les plantes sont à une distance proportionnée. Après la semaille on passe & repasse sur le sol la herse armée de fagots : cela suffit pour enterrer la graine ; si elle l’est trop, elle ne pousse pas.

Tous les auteurs s’accordent & indiquent le mois de mars pour l’époque des semailles. Leur conseil est bon en général, mais il exige plusieurs modifications : par exemple, dans les provinces de France, un peu méridionales, ou dans les cantons devenus tels par leur position