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sert non-seulement à produise beaucoup de fourrages, &. une superbe récolte de froment dans l’espace de deux années, (consultez les articles Trèfle & Luserne, ainsi que l’article Alterner,) mais encore parce qu’il n’épuise pas la superficie du sol, & lui rend plus en substance qu’il n’en a reçu de lui. C’est pourquoi les plantes graminées réussissent si bien après de telles cultures. Cultivateurs, alternez vos terres, c’est le plus sage conseil qu’on puisse vous donner.

Plusieurs auteurs ont pris la peine de désigner par la couleur le sol le plus convenable à l’esparcette. Une excellente terre ou une très mauvaise peuvent être blanches, brunes, noires ou rouges, &c. En général, les couleurs sont accidentelles & tiennent beaucoup à celles des pierres décomposées qui les ont formées ; j’en ai vu de très-noires, très-mauvaises & très-maigres, quoique presque par-tout la couleur noire ou brune annonce la fécondité, lorsqu’elle reconnoît pour principe le détritus des plantes ou des animaux. Les sables purs, mêlés par la craie ou l’argile, auront une couleur blanchâtre, & cependant ils conviendront à l’esparcette. La couleur n’est donc pas un indice certain. Les productions annuelles d’un champ en seroient un meilleur, mais non pas un indice absolu. En effet, un champ qui a huit ou dix pouces de bonne terre, quoiqu’il repose sur un banc de craie ou sur du gor, donne assez ordinairement de bonnes récoltes ; cependant le sainfoin n’y prospérera que pendant la première ou la seconde année, rarement pendant la troisième, attendu que ses racines n’auront pas la facilité de pivoter ; elles s’entremêleront les unes & les autres, se nuiront, se détruiront, & la plante fusera sur terre. S’agit-il d’établir une excellente esparcette, choisissez un bon champ, dont la terre soit douce, bien nourrie, légère, mais qui ait beaucoup de fond. Si on approche des provinces du midi, le sainfoin y réussira moins que dans une terre un peu forte, qui retient plus long temps l’humidité que l’autre ; & plus elle aura de fond, & meilleure elle sera. Les circonstances locales influent donc encore sur le choix, & rendent les préceptes généraux abusifs. Je le répète, on auroit tort de sacrifier de pareils champs à cette culture ; j’ose dire plus ; on ne doit lui sacrifier que des terrains mauvais ou médiocres. Cette assertion paroîtra un paradoxe aux auteurs qui ont, prôné le sainfoin comme une des sept merveilles. Ils ont eu raison, mais il faut s’entendre avant de prononcer.


Section III.

Des avantages de la culture du sainfoin.

Je conviens que le sainfoin est un magnifique présent de la nature pour les pays qui manquent de fourrages, en raison du peu de valeur de leurs champs ; jusqu’à ce jour on n’a connu aucune plante capable de le suppléer. Ainsi tous les soins des cultivateurs doivent tendre à y multiplier cette culture. Le trèfle ni la luzerne, malgré leur excellence, ne les en dédommageroient pas, puisque dans de tels champs ils ne sauroient prospérer ; mais dans les bons fonds, les produits de l’une ou de l’autre