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3°. Relativement aux espèces de mûriers. La feuille du sauvageon fournit la soie la plus fine, mais elle est difficile à cueillir, & l’arbre en produit peu. La rose s’effeuille facilement, ainsi que l’arbre greffé : leurs feuilles sont plus grandes, plus larges, mieux étoffées, & leurs sucs moins épurés. Quant aux mûriers à gros fruit noir, vulgairement dits d’Espagne, leurs feuilles ne peuvent convenir, dans nos climats, qu’à la nourriture des vers après la quatrième mue, jusqu’au moment de la montée. Il vaut encore mieux s’en passer, parce que cette espèce de feuille a trop de sucs, & est fort aqueuse. De ces généralités qui se modifient suivant les climats, passons à des détails de pratique.

Nous avons dit que l’air vicié & respiré par les vers étoit la cause principale de leurs maladies. La qualité des feuilles leur en occasionne aussi. Celles de mûriers sont leur unique aliment. Donnons-leur donc une nourriture saine & qui leur convienne. Avant de décider quelle est la meilleure, examinons une question importante, qui est de savoir, s’il est avantageux ou non, de dépouiller, chaque année, le mûrier de ses feuilles ; s’il est nuisible de l’en dépouiller seulement en partie.

Le mûrier est un arbre étranger à l’Europe ; & quoiqu’il y soit aujourd’hui un des arbres les plus robustes, & qui craigne le moins les vicissitudes des saisons, & les intempéries subites ou extrêmes, il n’en conserve pas moins la manière d’être qui lui est propre, sans craindre d’accident du dépouillement de ses feuilles. Il n’en est pas de même de nos arbres indigènes ; une pareille dépouille leur nuiroit beaucoup & les feroit mourir, si elle avoit lieu tous les ans. Quoique l’on puisse dépouiller le mûrier chaque année, sans qu’il en résulte les mêmes dangers que les autres arbres éprouveroient, s’ils subissoient une pareille dépouille, je dirai au cultivateur, d’après ma propre expérience, qu’il fera très-bien de conserver successivement un certain nombre d’arbres, sans les effeuiller, surtout l’année qui suit une taille un peu forte. Je dirai encore : observez attentivement les mûriers l’année qui suit celle du repos, examinez la force de leurs pousses, la belle couleur de leurs feuilles ; & pour dissiper tous vos doutes, pesez un sac de cette feuille, comparez-en le poids avec un pareil sac de feuille des autres arbres effeuillés l’année précédente, & vous jugerez que la première est mieux nourrie : par conséquent l’arbre qui l’a produite est dans un meilleur état que l’autre. Il seroit à propos de laisser le mûrier se reposer tous les cinq ou six ans. Ce repos doit être déterminé suivant la force de sa végétation.

Lorsqu’on ne cueille les feuilles d’un mûrier, qu’au quart, au tiers ou à la moitié, on nuit essentiellement à l’arbre ; les feuilles qui restent absorbent & détournent la sève, ce qui arrête le développement des yeux qui contiennent la feuille de l’année suivante.

Section II.

De la manière de cueillir la feuille.

Le propriétaire désire, avec le moins d’argent possible, faire récolter le plus qu’il est possible de feuilles ; il