Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/134

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autre manière de le diriger. N’est-ce pas à l’avidité ou à l’incurie des colons qu’il faut attribuer l’oubli dans lequel sont tombés les vins italiens de Massique, de Cécube et de Falerne, tant chantés par Horace et par ses contemporains ?

Toutefois la France produit des vins qui n’ont rien perdu de leur célébrité pendant une succession de quinze siècles ; et combien n’en produit-elle pas qui sont encore ignorés, et auxquels il ne manque que d’être connus pour lutter avantageusement peut-être avec les premiers ? Il en est de la réputation des vins comme de celle des hommes, pour sortir de la foule où l’on reste oublié ; il ne suffit pas d’avoir un mérite réel ; quelquefois encore il faut des circonstances favorables, ou un heureux hasard qu’on ne rencontre pas toujours. À qui, en effet, n’est-il pas arrivé en voyageant, de boire dans vin canton inconnu des vins délicieux auxquels il ne manque, pour acquérir une renommée, que d’être produits sur des tables somptueuses ? Les grands qui accompagnèrent Louis XIV à son sacre, rendirent aux vins de Silleri, d’Hauvillers, de Versenai et de plusieurs autres territoires voisins de Rheims, la célébrité qu’ils avoient eue autrefois, et dont ils ont joui depuis. Le vin de la Romanée doit la sienne en partie à de bons procédés de culture et de fabrication, mais surtout à une circonstance heureuse, dont sut habilement profiter, il n’y a guère plus de soixante ans, un nommé Cronambourg, officier allemand au service de France, qui avoit épousé l’héritière de ce vignoble. Les vins de Bordeaux étoient avantageusement connus dès le quatorzième siècle, puisqu’ils étoient déjà l’objet d’exportation le plus avantageux au commerce de l’Aquitaine ; mais la consommation qu’on en fait dans l’intérieur de la France, à Paris surtout, a triplé depuis quarante ans. Cette espèce de révolution se rapporte à une anecdote assez futile ; mais elle trouve naturellement ici sa place, parce que les conséquences en sont très-importantes au commerce français.

Le maréchal de Richelieu avoit contribué au gain de la bataille de Fontenoi ; il revenoit vainqueur de la campagne de Mahon. Favori de Louis XV, envié des grands, et gâté par les femmes de la cour, il jouissoit dans le monde, non pas d’une considération imposante, mais de cette sorte de célébrité à laquelle ou n’est point insensible quand on n’est pas philosophe. Madame de Pompadour qui avoit assez d’esprit pour sentir la nécessité d’attacher quelque éclat à la misérable qualité d’être publiquement la maîtresse du roi, conçut le projet de faire épouser mademoiselle Lenormand sa fille, au duc de Fronsac, fils de Richelieu. Le Maréchal dédaigna cette alliance avec une hauteur qui, en faisant sentir à la favorite toute la bassesse de sa profession, irrita en elle tous les sentimens de la vengeance. Richelieu n’étoit pas un ennemi ordinaire ; cependant elle réussit à l’éloigner de la cour. Il reçut avec le brevet de commandant de