Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/150

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

encore quelques bons crûs.

Il importe d’observer que si les premiers vignobles de Bordeaux, soit en rouge, soit en blanc, sont situés sur la rive gauche de la rivière, les meilleurs vins des palus occupent au contraire la rive droite. Ces derniers sont aussi très-précieux pour le commerce : par eux, on communique aux autres de la force et de la couleur. Quand on ne les a pas fait voyager il faut attendre au moins dix ans pour les boire dans toute leur bonté ; et ils ont par-dessus les vins du Querci, du Languedoc et de la Provence le mérite d’éprouver, sans en être altérés, la fatigue des plus longs voyages.

Vignobles Bordelois du second ordre.

1°. On appelle Entre-deux-mers cette langue de terre qui sépare les rivières de Dordogne et de Garonne, et qui partant du Bec-d’Ambez se prolonge vers le Levant et le Midi, dans une étendue de huit à dix lieues. Les vignes n’y sont point plantées en masse, comme dans les autres vignobles que nous venons de parcourir ; on pourroit même dire qu’elles n’y sont qu’un accessoire aux autres genres de culture. Le territoire des premiers vignobles de Bordeaux, des trois premiers surtout, seroit vraisemblablement inculte ou propre tout-au-plus à produire du bois, s’il n’était planté en vignes ; dans l’Entre-Deux-Mers, au contraire, les seuls coteaux exceptés, le surplus du terrein planté de vignes pourroit être converti en champs à blé et même en prairies. On y cultive les ceps rouges et les ceps blancs : souvent même ils sont mêlés les uns avec les autres. Ces vignes d’Entre-Deux-Mers produisent aussi des vins qui ont de la qualité : mais le prix en varie peu et est toujours inférieur à celui des vins récoltés dans les premiers vignobles. Les coteaux y étant très-multipliés, le sol varie beaucoup ; il est en général composé de terre tantôt forte, tantôt légère : on y trouve d’épaisses carrières de roche quartzeuse, quelquefois des marnières et des bancs de gips dont on ne tire aucun parti. Le goût de terroir est plus sensible dans ce vignoble que dans tout autre de ces contrées.

2°. Le vignoble du Bourgeais et du Blayois a produit le vin le plus renommé du Bordelois, après celui de Grave. Sa prééminence étoit telle, il y a cent ans, que celui qui y étoit propriétaire avoit communément des possessions du même genre dans le Médoc, et que quand il vendoit sa récolte du Bourgeais, il imposoit au marchand la condition de le débarrasser de celle du Médoc. Le seul motif qu’on puisse donner à cette préférence, c’est que les vignes du Médoc étoient encore jeunes alors. À cette époque les vins de Bourg, bons par eux-mêmes, propres au commerce et à la consommation intérieure, devoient être recherchés, tandis que ceux du Médoc, encore jeunes et peu connus, pâles et peu liquoreux, attendoient des goûts plus fins et plus exercés pour être appréciés à leur valeur.

Les vins de Bourg sont estimés