Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/191

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semble inhérent à sa nature ; savoir, ce duvet, cette matière blanche, cotonneuse, qui recouvre constamment sa feuille sur tous les points ; il a vu, dis-je, un cep de meunier porter des sarmens, des feuilles et des fruits du maurillon précoce. Peut-on dire que ce meunier dégénéroit en maurillon précoce ? Mais les caractères constans de celui-ci ont été reconnus et décrits par les plus anciens naturalistes agronomes. Il est désigné par Columelle sous le nom de vitis præcox, et par les modernes, sous celui de vitis præcox columellæ. Les premiers ne font aucune mention spéciale du meunier ; ils ne parlent que d’une manière générale des cépages lanugineux ou cotonneux. Ainsi il ne paroît pas vraisemblable que le maurillon précoce soit une dégénération du meunier. J’aimerois croire que celui-ci se régénère, et qu’en redevenant maurillon précoce, il reprend les caractères et les formes de son essence primitive.

Le citoyen Jumilhac a vu de même le meunier devenir maurillon. Il en possède en ce moment un cep qui a trois tiges ; celle du milieu est un maurillon, les deux latéraIes sont encore meuniers. Celles-ci recevront peut-être avec le temps, les attributs de leur espèce.

Il n’est pas douteux qu’un certain nombre d’observations de ce genre, faites sur différens points de la France, donneroient de grandes facilités pour dresser une nomenclature satisfaisante des divers cépages qui s’y sont multipliés ; mais vu l’état actuel de la science, relativement à cette branche importante de notre agriculture, comment se flatter de retrouver les essences primitives, et d’y attacher les variétés qui en proviennent ? Irons-nous les chercher dans nos provinces du midi, en Provence, par où les cépages de la Grèce et de l’Italie ont dû passer pour parvenir au centre et au nord de la France ? Mais la culture de la vigne, trop long-temps négligée dans cette contrée, ne nous laisse pas l’espérance d’y faire d’heureuses découvertes à cet égard. En outre des plants tirés directement de la Grèce ont été introduits au centre de la France, bien postérieurement à ceux qu’on a plantés en Provence ; et déjà il n’existe plus aucune trace de leurs espèces.

En 1420, plusieurs souverains de l’Europe voulurent obtenir des vins de liqueur des vignes qui croissoient dans les territoires de leur domination. Les Portugais avoient introduit, dans l’isle de Madère, des plants de celle de Chypre, dont le vin passoit alors pour le premier de l’Univers ; et cet essai réussit. François Ier. à leur exemple, acheta cinquante arpens de terre aux environs de Fontainebleau, et les consacra à la plantation d’une vigne dont les complants furent directement tirés de la Grèce. Une vigne de la même nature fut en même temps formée à Coucy. Mais où sont aujourd’hui ces plants de la Grèce ? Comment reconnoître seulement les variétés provenant de telle ou telle des races dont ils étoient composés ? Cinq siècles se sont écoulés pendant lesquels dix ou