Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/192

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douze renouvellemens et plantations ont été exécutés, c’est-à-dire, beaucoup plus qu’il n’en faut pour rendre les races ou les variétés méconnoissables. En effet, on ne voit plus, aux environs de Fontainebleau, comme dans tout le reste du Gâtinois que sept ou huit races très-communes dans les autres territoires du centre de la France : ce sont le teinturier, qu’on nomme pineau dans le pays, le maurillon hâtif, le chasselas qui mérite, comme comestible, toute la réputation dont il jouit dans cette contrée ; le » bourguignon blanc et noir, le gouais, les grands et petits méliers.

En parcourant les noms de ce petit nombre de cépages on voit déjà combien la nomenclature de nos vignes doit être bizarre et confuse. Ici les habitans du Gâtinois donnent le nom de Pineau, race par excellence, qui forme les meilleurs complants de la Bourgogne, du vignoble de Migraine sur-tout, à une espèce qui n’est autre chose que la vitis acino nigro, rutundo, duriusculo, succo nigro labiâ efficienti de Garidel, et qui n’a guère d’autre mérite, vers le centre et le nord de la France, que de charger en couleur les vins dans lesquels on introduit son jus : ce qui lui a fait donner, en beaucoup d’endroits, les noms de teinturier, de gros noir, noir d’Espagne, etc. Combien d’erreurs du même genre ne pourroit-on pas citer ? On auroit de la peine à donner la raison plausible de la différence des noms adaptés aux mêmes cépages dans nos différens vignobles. Quelques-uns sans doute ont emprunté les leurs du nom des particuliers qui les ont introduits dans leurs cantons ; d’autres les tiennent de celui des vignobles dont ils ont été tirés, immédiatement à l’époque de leur transplantation dans une autre province, comme le maurillon de Bourgogne est appelé bourguignon en Auvergne, et auvergnat dans l’Orléanois ; sans doute parce que l’Auvergne aura tiré le maurillon directement de la Bourgogne et qu’ensuite elle l’aura transmis à l’Orléanois. La même raison peut être alléguée pour les races qu’on nomme en différens lieux, le Maroc, le Grec, le Corinthe, le Cioutat, le Pouilli, l’Auxerrois, le Languedoc, le Cahors, le Bordelais, le Rochelois, etc., etc. Mais il en est dont la bizarrerie des noms est telle qu’on chercheroit vainement à leur assigner une origine vraisemblable, et les uns et les autres réunis sont en tel nombre que quelques œnologistes modernes ne craignent pas de le porter à trois mille. Il y a peut-être beaucoup d’exagération dans ce calcul : mais toujours est-il vrai que souvent on ne s’entend pas d’un myriamètre à l’autre en parlant de tel ou tel raisin, et cela dans une étendue de pays de plus de cent myriamètres.

Le goût de Rozier pour les sciences et sa passion pour le bien public lui avoient inspiré le projet d’un bel établissement, par le moyen duquel il espéroit se mettre à portée de dresser une synonymie qui seroit entendue dans toute la France, de donner des caractères distinctifs qui feroient recon-